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136 Louis Bertrand à L’Isle-Verte (1811-1871) proprement individuel, cette recherche a été l’occasion d’ouvrir une fenêtre sur le vécu de toute une population qui, par l’intermédiaire de ses membres, entre – volontairement ou non – en interaction avec ce personnage incontournable. Nous croyons qu’il existe encore un fossé à combler dans l’historiographie québécoise entre la monographie paroissiale et les études de synthèse afin de bien comprendre l’articulation entre les régions centrales et celles que l’on dit périphériques . Afin de mieux connaître les sociétés rurales, les actes notariés demeurent un moyen privilégié. Notre étude de cas à partir de ces sources a permis de dégager une trame qui dépeint sous certains angles la société rurale de L’Isle-Verte au xixe siècle. En effet, au fil des changements structuraux majeurs du xixe siècle, chargés par les enjeux financiers et juridiques, se mettait en place une organisation sociale et se dessinaient des façons de vivre sur le territoire. L’arrivée de Louis Bertrand à L’Isle-Verte symbolise la rupture entre l’Ancien régime et ses différentes facettes économiques et sociales. Il est bien entendu que sans la venue de Louis Bertrand, ces changements se seraient tout de même opérés, d’une façon ou d’une autre. Mais, symboliquement, son empreinte reste instructive. Nous croyons qu’il est pertinent d’observer les particularités propres aux différents lieux, afin de parvenir à une appréhension plus juste des réalités régionales. Il est admis que les individus se meuvent au sein d’une conjoncture et qu’ils participent, par leurs actions, à la formation de «micro-conjonctures», à une échelle plus locale. Pour reprendre les termes de Jacques Revel: La réduction d’échelle, la prise en compte de destins singuliers, de choix confrontés à des contraintes, invitent à ne point se soumettre à la tyrannie du fait accompli – «ce qui a effectivement eu lieu» – et à analyser les conduites, individuelles et collectives, en termes de possibles, que l’historien peut tenter de décrire et de comprendre. Elle fait bouger les images reçues, parce que en réglant différemment la distance et l’ouverture de leur optique, les observateurs font apparaître une autre trame, des découpages différents, et du même coup l’inadéquation partielle des outils conceptuels dont ils disposaient jusque-là (Revel, 1989, p. XV). [18.189.193.172] Project MUSE (2024-04-19 15:04 GMT) Conclusion 137 Dans cette optique, nous croyons que l’étude des élites et des diverses manifestations par lesquelles elles ont participé à la vie socio- économique est un moyen de se rapprocher du vécu des communautés. Les élites, en effet, se trouvaient souvent au centre d’une foule d’activit és. Au sein d’une communauté essentiellement rurale, dont l’économie était tributaire de la possession du sol, les transactions foncières sont révélatrices. Le cas de Louis Bertrand démontre notamment qu’à l’instar de leur implication institutionnelle, l’affirmation des élites locales reposait sur le domaine foncier. En fait, il nous entraîne à nous questionner sur la définition et l’appartenance sociale des élites rurales. Au gré de l’ascension sociale de Louis Bertrand, on peut observer que plusieurs échelons devaient être franchis dans la construction du statut social, et qu’aucun facteur n’était en soi déterminant. La position de seigneur ne suffisait pas à se hisser au sommet de la hiérarchie. Plusieurs éléments devaient être réunis et leur arrimage pouvait s’avérer complexe. S’il est essentiel de mettre en garde contre une éventuelle généralisation indue, le parcours de Louis Bertrand permet néanmoins de mettre en évidence certaines caractéristiques de la notabilité rurale et de préciser les contours d’un certain archétype de ses représentants. Plus important que le petit marchand de campagne par les liens qu’il entretient avec les grands négociants et par les charges institutionnelles qu’il cumule, l’influence du notable rural demeure limitée à l’aire régionale. Il démontre par ailleurs qu’entre les grands négociants et l’habitant, il existait une classe d’entrepreneurs dynamiques, souvent oubliés ou folklorisés. Trois grandes phases se dégagent de cette trajectoire particulière. Les années 1811 à 1820 sont...

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