In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Introduction Alexandre Brun et Frédéric Lasserre Depuis les années 1970, le littoral breton a enregistré une nette augmentation des apports nutritifs d’origine continentale. Le lessivage de terres cultivées saturées en engrais organiques ou minéraux en constitue l’une des principales causes. Ce faisant, de nombreuses plages de ce secteur touristique français connaissent, chaque été, la prolifération et l’accumulation d’algues vertes du genre Ulva, communément appelées «laitues de mer». Ce phénomène a été médiatisé au cours des années 2000, car certains experts ont fait valoir les risques encourus par les promeneurs et par les agents municipaux chargés de l’entretien des plages: le problème des algues vertes est devenu le scandale des algues vertes. 2 Gestion de l’eau En août 2009, le premier ministre français, François Fillon, s’est rendu à Saint-Michel-en-Grève, après la mort d’un cheval vraisemblablement due au gaz toxique présent dans les amas d’algues vertes en décomposition. Pour la première fois, les services de l’État ont alors reconnu officiellement que les nitrates agricoles étaient à l’origine des «marées vertes». La solution préconisée par le chef de l’État en juillet 2011 pour enrayer le phénomène s’est cependant limitée au ramassage des algues et au procédé de méthanisation (qui transforme en biogaz le lisier de porc, riche en azote). Autrement dit, l’État fait appel aux contribuables pour financer le nettoyage des plages et recherche des solutions techniques à des ­ problèmes de société1. Cette pollution, périodique mais spectaculaire, préoccupe de plus en plus les riverains. Ceux-ci sont inquiets de voir leur environnement se dégrader et craignent une dépréciation de leurs biens immobiliers «à cause des algues». Elle embarrasse les élus des stations balnéaires, excédés par la partialité du gouvernement, prêt à défendre le «modèle agricole breton» contre vents et marées2. Enfin, elle détourne les estivants des baies et des estuaires situés à l’exutoire des bassins versants agricoles. Cette situation n’est évidemment pas spécifique au contexte breton. Elle témoigne moins du caractère inopérant de la gestion de l’eau par bassin versant que de son absence3. Le bassin versant, un concept ancien Un bassin versant ou bassin hydrographique désigne une portion de­ territoire délimitée par des lignes de crête, dont les eaux alimentent un exutoire commun (cours ou plan d’eau, mer). La ligne séparant deux bassins versants adjacents est une ligne de partage des eaux. Chaque bassin 1. Le Monde, 14 juillet 2011, «Une fuite en avant qui ne s’attaque pas à l’origine du mal…», . 2. Corentin Canévet est l’un des géographes français ayant le mieux expliqué les raisons de la modernisation de l’agriculture et ses conséquences socio­ économiques et environnementales (Canévet, 1991, 1992). Voir également sur l’eau: Brun (1998). 3. La situation est comparable d’une certaine manière au Québec, où la pollution de l’eau résulte de la prolifération excessive des cyanobactéries. Le surplus de phosphore est à l’origine de ce phénomène constaté dans les lacs au cours des dernières années. Elle résulte en partie de mauvaises pratiques en matière d’assainissement et conduit, comme en Bretagne, à une crise de confiance entre les acteurs qui s’accusent mutuellement d’être la cause de la pollution, , consulté le 13 août 2011. [18.220.106.241] Project MUSE (2024-04-23 13:19 GMT) Introduction 3 versant se subdivise en sous-bassins correspondant à l’aire d’alimentation des affluents se jetant dans le cours d’eau principal. Dans le cas de la Bretagne, les bassins versants n’excèdent pas quelques dizaines de kilom ètres carrés. L’étendue des bassins versants peut toutefois être 100 fois supérieure: le bassin du Mississippi, le plus grand d’Amérique du Nord, s’étend sur 3 238 000 km², celui du Saint-Laurent occupe une superficie de 1 610 000 km². Le concept de bassin versant n’est pas nouveau. En revanche, l’idée de gérer l’eau dans ce cadre est assez récente. C’est le géographe Philippe Buache (1700-1773) qui, le premier, a formalisé ce...

Share