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8 Les raisons pour se marier ou non 90 Quand l’amour et l’État rendent aveugle Il n’y a pas si longtemps encore, la vie conjugale des jeunes couples s’inscrivait­ essentiellement dans le mariage, qui devait durer pour la vie entière. Le mariage allait de soi et les alternatives étaient limitées: entrer dans les ordres religieux si on avait la vocation, ou demeurer célibataire et peut-être devenir le bâton de vieillesse de ses parents. «Je me marie, je ne me marie pas, je fais une sœur», disaient les petites filles en effeuillant la marguerite. Vers la fin des années 1960, au Québec et ailleurs, un vent égalitariste a insufflé des réformes dans toutes les sphères sociales (droit, éducation, santé, etc.), bouleversant profondément l’économie des ménages. En quelques décennies seulement, l’entrée dans la vie à deux, la relation conjugale elle-même, de même que la fin de celle-ci ont changé de visage. À l’inverse de ce qui se passait dans les années 1950, de nos jours, avec la diversification des modes possibles d’entrée dans la vie adulte et le report du rituel du mariage, on ne sait plus très bien quand commence la vie conjugale – on sait toutefois qu’un grand nombre d’unions ne dureront pas. Les unions libres sont désormais une alternative normale au mariage, ce dernier ne se distinguant souvent plus que par son rituel formel. L’idéal moderne des relations conjugales se fonde désormais sur des valeurs d’autonomie, d’égalité, d’authenticité et sur des relations affectives choisies. Pour reprendre la jolie formule d’Irène Théry, la structure hiérarchique et holiste de la famille a fait place au modèle du couple duo, celui qui non pas «de deux ne fait qu’un», mais qui d’«un et un fait deux» (Théry, 2005, p.  392). Il ne s’agit plus aujourd’hui de s’engager une fois pour toutes, par le mariage ou une autre forme de rituel: la relation conjugale doit désormais être investie par les individus tout au long de la vie à deux. Dans une société contemporaine comme le Québec, où la religion catholique a perdu de son influence, où le mariage n’est plus associé au contrat social fondé sur la complémentarité des rôles sexués et où l’union libre est jugée aussi valable que ce dernier, on peut se demander quelles sont les motivations pour se marier. Le mariage est-il encore aujourd’hui une preuve d’engagement? Ou est-ce plutôt la cérémonie et le rituel romantique qui l’accompagne qui attirent les jeunes et les poussent à faire la noce? Nous avons interrogé les personnes rencontrées à ce sujet. À la lumière de leurs réponses, les motivations derrière les choix matrimoniaux semblent multiples. Elles se rattachent à des conceptions du mariage et de la vie à deux très variées. Les dimensions spirituelle, juridique et publique ne sont plus systématiquement évoquées lorsque les couples décident de se marier. De «nouvelles» manières de concevoir le mariage émergent d’ailleurs des propos des conjoints mariés et en union de fait. [3.144.172.115] Project MUSE (2024-04-26 13:37 GMT) Les raisons pour se marier ou non 91 Pourquoi se marier aujourd’hui? Le mariage comme rituel amoureux L’amour, on ne peut s’en étonner, est la première raison évoquée pour convoler en justes noces. Certains mariages reflètent cet état d’esprit en étant d’ailleurs très intimes. Par exemple, Céline affirme que son mariage fut conçu pour être «une bulle d’amour» qui reflétait leur relation. Seuls quelques amis y étaient conviés. Le mariage, s’il est pour certains une preuve d’engagement, semble pour d’autres bien davantage s’inscrire dans les rituels amoureux des conjoints et être une manifestation de leur amour. C’est aussi ce dont témoignent sans doute les mariages multiples avec le même partenaire de vie. Maude parle ainsi de la réaction de ses enfants à son « second mariage » avec son conjoint: On s’est remariés en 1999. Les enfants disaient: «Ho! C’est beau, maman. Marc, il t’aime assez, il t’a mariée deux fois.» Si un jour, on fait une croisi...

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