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Introduction Abdelillah hamdouch, marc-hubert depret et Corinne tanguy L’homme raisonnable s’adapte au monde; l’homme déraisonnable s’obstine à essayer d’adapter le monde à lui-même. Tout progrès dépend donc de l’homme déraisonnable. George Bernard SHAW, Maximes pour révolutionnaires, 1903 Je ne veux pas changer la règle du jeu, je veux changer de jeu. André BRETON, Œuvres complètes, 3 tomes, 1988-1992-1999 Quelle que soit la période (et plus encore en ce début de xxie siècle), la mondialisation a fragilisé les territoires les moins flexibles, les moins agiles ou les moins accommodants . Dans son (re)déploiement, la mondialisation et ses principaux avatars (financiarisation, remise en cause des frontières de l’État, instabilité et crises, technicisme , etc.) tendent en effet à menacer ou à remodeler la plupart des territoires, sans distinction quant à leur nature (administrative, économique, sociale, linguistique, géographique , etc.) ou à leur échelle (pays, régions, villes, zones rurales, espaces naturels, etc.). Elle agit ainsi comme un rouleau compresseur qui brouille ou fait voler en éclats leurs frontières. La mondialisation tend alors à gommer les facteurs de spécificité (voire d’identité) des territoires en uniformisant les normes de production et de consommation ainsi que les modes de vie. Elle les soumet à des standards de productivité, à des critères 2 Mondialisation et résilience des territoires de performance et à des contraintes de compétitivité qui remettent en question des référents collectifs (sociaux, solidaires, environnementaux, culturels, etc.) que les territoires ont parfois mis des générations à construire, à institutionnaliser, à consolider et à faire progresser (cohésion sociale, qualité de vie et qualité de l’environnement, convivialit é, solidarité, coopération, proximité, esprit d’entreprendre, mobilité, créativité, intégration des minorités, démocratie participative, préservation du patrimoine, etc.). Délocalisations en chaîne, compétition (sociale, fiscale et environnementale) exacerbée, urbanisation anarchique ou suburbanisation (au Nord comme au Sud), migrations (économiques ou écologiques), dégradation de l’environnement et des espaces naturels, épuisement des ressources, atteintes croissantes à la biodiversité, délinquance, encombrement routier, inflation (prix, salaires, loyers), spéculation immobilière, etc., ne sont que quelques-uns des signes les plus visibles des atteintes portées par la mondialisation aux territoires, à leurs populations et à leurs écosystèmes. Face à cette déferlante, les territoires voient leurs facteurs endogènes de cohérence et de stabilité bousculés, leurs valeurs et sources d’identité menacées ou érodées et leurs leviers internes de développement économique, social, politique et culturel brutalement soumis à des jeux de contraintes et de pressions dont ils n’ont plus tout à fait la maîtrise. Ces menaces et contraintes sont réelles, et de nombreux territoires urbains ou ruraux subissent aujourd’hui de plein fouet les effets déstructurants (et parfois irréversibles ) de la mondialisation, dont les retombées positives manifestes (baisse des prix des produits manufacturés, débouchés nouveaux, diversité culturelle, etc.) ne compensent plus désormais les déséquilibres collatéraux qu’elle engendre. Désindustrialisation ou marginalisation pour les uns, désertification ou reconversion brutale (ou trop tardive) pour les autres, ou encore hypertrophie urbaine pour certains, les territoires sont aujourd’hui traversés par de multiples déséquilibres qui les fragilisent et les mettent souvent en concurrence frontale pour attirer ou, à tout le moins, maintenir des activités (économiques, touristiques, culturelles, etc.), des personnes (salariés, entrepreneurs, créatifs, jeunes, retraités, etc.) et des capitaux (financiers et humains). La mondialisation fait ainsi basculer de nombreux territoires dans un «équilibre instable en perpétuel mouvement» – pour reprendre les mots de Christine Liefooghe dans le premier chapitre de cet ouvrage – qui tend à les éloigner d’un développement véritablement durable ou soutenable. Cependant, l’expérience de ces vingt ou trente dernières années montre que certains territoires s’en sortent mieux que d’autres en résistant, en s’adaptant, voire en se réinventant face à la mondialisation et à la concurrence de plus en plus forte de certains territoires émergents. La littérature économique et géographique regorge ainsi d’exemples de territoires «modèles» ayant réussi leur mue territoriale. Les agglomérations lilloise, bordelaise, lyonnaise, montpelliéraine ou encore rennaise en France, les cas de Boston, Chicago ou Portland aux États-Unis, Montréal et Toronto au Canada, Munich, Berlin, Leipzig et Brême en Allemagne, Sheffield et Belfast au Royaume-Uni, [3.23.92.53] Project...

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