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Chapitre 2 Le projet de paysages ou l’opportunité d’un renouveau paradigmatique et identitaire grâce à un imaginaire fédérateur, instituant et heuristique Mario Bédard1 1. L’auteur remercie le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour son appui financier. Nous tenons également à remercier madame Sylvie Paradis, de même que messieurs Laurent Lelli et Yves Michelin, pour la chaleur de leur accueil lors de la tenue du séminaire «Vers les paysages de demain: outils iconographiques et ressources territoriales. Des représentations à la valorisation» (Clermont-Ferrand, avril 2006), où une première version de ce texte a été présentée sous forme de communication. 44 L’imaginaire géographique Nous vivons à une époque où l’image est de plus en plus souveraine, comme l’atteste par exemple le succès de la mise en marché des territoires par des images de marque, ou branding territory (Van Ham, 2002). Ce qui influence bien évidemment l’aménagement de nos territoires, de plus en plus concurrentiels afin d’attirer de nouveaux investisseurs, résidents ou touristes, ou pour mieux se positionner au sein des diverses institutions qui les gouvernent. Cela influence également la signification et le rôle de ces mêmes territoires, de plus en plus sollicités par une forte demande sociale en quête de paysages pour pallier la panne des plus usuels processus d’intégration et pour enrayer les actuelles pertes de repères (Cuillerai et Abélès, 2002; Zelinsky, 2002). La mise en images de paysages n’est donc pas une entreprise anodine, tant sur le plan politique qu’éthique (Cosgrove, 2003; Leydet, 1995). N’interpelle-t-elle pas simultanément nos rapports à la nature, à l’espace, à la société, au territoire puis à la culture, et donc le sens du lieu et son devenir? Ne participe-t-elle pas en outre d’une compr éhension du monde qui, dans la représentation qu’elle orchestre, écarte de facto les autres modes d’expression et de connaissance? L’appropriation d’un territoire et l’affirmation d’une identité se réalisent pour partie dans nos pratiques paysagères, dont la mise en image de certains lieux élevés au rang de paysages emblématiques. Et comme ces pratiques émanent directement de la vocation que nous prêtons au lieu et de la destinée qu’y dessine notre habiter, la représentativité de toute iconographie, comme la qualité paysagère de tout aménagement du territoire , est indissociable des valeurs qui animent et signifient nos modes de pensée et de vie. Aussi nous semble-t-il opportun de prendre conscience de l’aspect structurant de cette nouvelle geste paysagère virtuelle en interrogeant les valeurs et les modalités qui président à cette mise en image, notamment pour voir si les habitants des lieux ainsi choisis et représentés y trouvent véritablement leur compte. Une interrogation d’autant plus importante et urgente qu’il n’est pas du tout certain que cette omnipotence de l’image n’est pas pour partie responsable des ratés de l’actuelle quête paysagère (Bédard, 2004, 2006; Cauquelin, 2002; Herrington, 2009; Jakob, 2007), voire de l’actuelle déshérence et d’un mal-être de plus en plus répandu (Taylor, 2003). C’est pourquoi sera tout d’abord ici explorée la thèse que les conflits d’usage, les tensions et les incompréhensions qui caractérisent si souvent nos interventions paysagères sont attribuables à un imaginaire atrophié et à une imagination déterritorialisante dictés par le paradigme [3.145.23.123] Project MUSE (2024-04-26 01:47 GMT) Le projet de paysages 45 dichotomique et oppositionnel qui régulent aujourd’hui les rapports Homme/ Nature, Espace/Société et Territoire/Culture par lesquels nous sommes, signifiés et signifiants, de ce monde. Nous intéressant tout spécialement aux processus afférents à la mise en image des paysages, et donc à l’économie interne de son processus perception-valeurs-représentation, nous tenterons de démontrer en quoi nos pratiques paysagères sont déterminées par une intelligence obtuse de notre présence et de notre rôle en ce monde. Soit une malfaçon que nous postulons sensible à notre usage de l’image comme d’un ersatz dérivé d’apparences et de poncifs devant satisfaire nos sens et nous conforter. Il s’agit là d’une situation qui pourrait, à terme...

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