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C H A P I T R E 7 Prévention des dépendances à l’école Philippe Stephan Université de Lausanne [18.221.98.71] Project MUSE (2024-04-25 05:40 GMT) Prévention des dépendances à l’école 149 Dans nos sociétés occidentales, l’école est une véritable institution sans cesse remise en question, critiquée, mais dont les fondements demeurent puissants. Le rôle de l’école fait l’objet de débats passionnés et doit s’adapter aux mutations de l’environnement . Il reste que de nombreux adultes confient leurs enfants à l’école dans le but supposé de leur permettre l’acquisition des compétences nécessaires à l’âge adulte . C’est sur la nature de ces compétences que les avis divergent sensiblement dans une société démocratique . Trois grandes compétences semblent se dégager: le savoir, l’éducation et la socialisation. Apprendre une matière scolaire, le respect, la transgression et l’intérêt des limites et apprendre à vivre avec d’autres constituent le quotidien d’un élève. La confrontation et la réflexion qui en résultent sont censées permettre à l’enfant de grandir. Or, grandir sépare. Grandir attaque les repères individuels et la stabilité interne tant sur le plan psychique et physique que social . L’école a donc foncièrement une action déstabilisante sur l’individu; l’école est susceptible de menacer l’individu. Cette action est par ailleurs inhérente à toute forme d’apprentissage, mais peut être plus ou moins forte en fonction de différents facteurs . Il est aisé de comprendre que lorsque l’enfant se trouve déjà dans un processus de développement intense qui fragilise sa stabilité (l’entrée dans l’adolescence), apprendre risque d’ajouter de l’instabilité. La problématique de conduite de dépendance à l’adolescence ne peut s’envisager sans prendre en considération une réflexion sur l’impact de la rencontre entre la mise en place d’un système organis é d’apprentissage, l’école, et un bouleversement incontrôlable, la puberté. De plus, la question de la dépendance est intimement liée à celle de la séparation en ce sens que l’humain, dans les moments de prise de conscience de son individualité (et les phases de séparation le sont particulièrement), se rend paradoxalement compte de son extraordinaire dépendance à l’autre. En effet, le nourrisson totalement dépendant à la naissance a appris pour sa survie à se tourner et à développer le lien, la relation à l’autre, sans en avoir encore une conscience « intellectuelle ». De même, l’environnement (maternel) organise, pour garantir le développement de sa progéniture, un système relationnel complexe dont l’aspect psychologique prend une place particulièrement forte dans l’espèce humaine (Keverne et Kendrick, 1994; Roser, 2006). Il prend le relais des aspects biologiques de l’attachement observables dans le règne animal . L’immaturité et la plus grande fragilité du petit de l’homme dans ses premières années lui permettent paradoxalement de se voir plus longtemps protégé par 150 La santé psychosociale des élèves ses proches et ainsi, d’acquérir un plus grand savoir dont l’école en est la construction et l’organisation la plus aboutie . Le revers de la médaille est une plus grande dépendance vis-à-vis de son environnement et la résultante, la mise en place de relations intenses sur le plan affectif engageant tous les protagonistes. Ces deux dimensions, dépendance et affectivité, concernent autant l’enfant que l’adulte dans leur relation empreinte d’angoisse et de confiance mutuelle variant en fonction des périodes de la vie . Les moments de séparation (les premières rentrées des classes, les voyages d’étude, les camps) où les enjeux de ces mécanismes sont prégnants, accentueront le sentiment de dépendance et engendreront un « réflexe relationnel » d’autant mieux toléré qu’il n’est pas conscient ou qu’il est ritualisé. Ce réflexe relationnel est donc réactivé à l’adolescence, au moment d’une nouvelle prise de conscience de l’individualité et de la nécessité incontournable et définitive de se séparer de ses attaches. Il accentue de manière dramatiquement paradoxale le sentiment de dépendance vis-à-vis de son environnement et fragilise, voire menace, la confiance, l’estime de l’individu envers lui...

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