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Chapitre 7 L’Europe Un espace diversifié dans un cadre de gouvernance unifié? Mario Bédard L’Europe sera sérieuse ou ne sera pas. Benda 1998/1933, p. 303. L’Europe a cela de particulier qu’elle est une et plurielle. Une, car l’évocation du mot Europe renvoie à une culture quasi universelle, à tout le moins dans notre imaginaire . N’est-elle pas le berceau de l’Occident, et donc de la Raison, de la Logique, des grandes idéologies, puis des Droits et Libertés de l’être humain (Butlin et ­ Dodgshon, 2003 ; Pagden, 2002)? Plurielle, car cette région est depuis toujours une mosaïque (Gowland, O’Neil et Dunphy 2000). N’est-elle pas animée par de nombreuses cultures et divers parcours historiques favorables à l’une, puis à l’autre, selon une inégale répartition de la population et des richesses, que ce soit à l’échelle de l’Europe, de ses régions, de ses États ou de leurs diverses constituantes (Vandermotten et Dézert, 2008)? Une et plurielle encore car, et ce sera là le principal objet de ce chapitre, l’Europe est singulière parce qu’hétérogène et complexe. En effet, l’Europe n’est pas caractérisée 254 Le monde dans tous ses États au premier chef par les différences culturelles, économiques et politiques qui l’ont longtemps divisée. Elle est bien plus singularisée par la sublimation de ces mêmes différences grâce à un projet communautaire, l’Union européenne, qui s’emploie depuis plus de 50 ans à proposer une option, hier, aux modèles soviétique et étasunien, aujourd’hui, peut-être à la mondialisation sauvage. Cette singularité est largement géographique, comme nous allons tenter de l’illustrer alors que seront d’abord présentés les caractéristiques du site et de la situation de l’Europe, ensuite ses principaux traits humains, soulignant les similitudes continentales et les disparités régionales, puis la construction de l’Union européenne qui propose un modèle de gouvernance inédit (Beck et Grande, 2007). Tout cela pour essayer de voir si pareille Europe est possible, voire souhaitable. 7.1. Une région au site complexe malgré sa petite superficie 7.1.1. Une géométrie variable Prolongation occidentale du continent eurasiatique, si l’Europe peut aisément être délimit ée à l’ouest par l’Atlantique, au nord par l’Arctique, puis au sud par la ­ Méditerranée et la mer Noire, ses frontières à l’est demeurent floues en l’absence de barrière physique claire. Et s’il peut y avoir matière à débats au su de l’histoire tumultueuse de cette partie orientale de l’Europe, la question de sa géométrie variable se résume à l’inclusion totale, partielle (jusqu’à l’Oural) ou nulle de la Russie et de ses anciens pays satellites occidentaux. Une telle question peut être résolue au regard de l’européanité de leurs cultures, histoires et ambitions. Selon Lévy (2003), s’il y a un peu d’Europe dans la Russie à cause de ses alliances passées avec la France ou l’Angleterre pour se prémunir des empires centraux et d’une certaine parenté culturelle largement recherchée par Pierre le Grand et Catherine II au xviiie siècle, on ne peut pas dire qu’elle est très européenne. Compte tenu de sa géographie, de sa population, mais aussi d’une histoire politique plus tournée vers l’expansion territoriale en Asie, la limite de l’Europe correspondrait aux confins de l’aire d’influence russe. Or la Biélorussie, l’Ukraine et la Moldavie, hier encore sous régime soviétique, ont déjà gravité dans l’aire d’influence européenne (voir le chapitre 8). De plus, la plupart de ces pays semblent particulièrement désireux (au moins pour la majorité de leur population – cf. la «révolution orange» en 2004, encore que les élections contestées en 2010 de Ianoukovitch et Louchenko en Ukraine et Biélorussie respectivement pourraient ralentir ce processus) de s’européaniser pour davantage s’affirmer et se distancier du géant russe (Ginsberg, 2001). Un désir palpable à leur volonté de devenir membres de l’Union européenne, et qui est favorablement reçu, comme en témoignent les partisans d’une grande Europe, de l’ONU et le Population Reference Bureau, qui les...

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