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Chapitre 6 Onsäayionnhont de onywawenda’,«Nous redonnons vie à notre voix» La revitalisation de la langue huronne-wendat Louis-Jacques Dorais, megan Lukaniec et LinDa sioui rÉsuMÉ première langue autochtone nord-américaine, semble-t-il, à avoir été décrite de façon exhaustive, le huron-wendat a subi depuis bien des vicissitudes. en effet, ses locuteurs se sont si bien intégrés à un environnement majoritairement allochtone qu’à la fin du XIXe siècle, ils avaient adopté le français comme langue maternelle. ce chapitre montre comment une revendication de plus en plus affirmée de leur identité ethnique, culturelle et politique a amené les wendats, à partir de la fin des années 1970,à mettre en place des initiatives et des cadres organisationnels divers pour faire revivre leur parler ancestral. en 2007, ces initiatives ont abouti au projet yawenda, qui a pour objectif de reconstruire la langue wendat à partir des documents lexicaux et grammaticaux des XVIIe et XVIIIe siècles; de former des professeurs aptes à enseigner cette langue à l’école primaire et aux adultes; et de préparer des cursus scolaires et du matériel pédagogique facilitant cet enseignement. La revitalisation du wendat ne vise pas nécessairement à en faire un outil général de communication au sein de la communauté. elle cherche plutôt, grâce à l’apprentissage de formules 108 Les langues autochtones du Québec et d’expressions culturellement signifiantes, à approfondir et raffermir l’identité autochtone, dont la langue est un vecteur important. L’historique du déroulement du projet s’accompagne de remarques méthodologiques sur la reconstruction du wendat, et de réflexions sur les leçons à tirer de cette expérience, sur les plans langagier, pédagogique et identitaire. [3.15.229.164] Project MUSE (2024-04-26 05:10 GMT) 109 Deux cas de revitalisation introduction«Nous avons vraiment l’avantage de posséder une langue dans laquelle nous pouvons, même à l’heure actuelle, écrire tout ce que nous désirons et qu’il nous est aussi possible de parler, si seulement nous le voulons», affirmait Linda Sioui (Sioui, 1992, p. 340) il y a quelque vingt ans, en empruntant les mots de Yaakov Bentolila (Bentolila, 1986, p. 22) au sujet de la résurrection de la langue hébraïque. En établis­ sant un parallèle entre l’hébreu et le huron­wendat (que nous appellerons désormais«wendat», pour abréger), et après avoir identifié le cheminement potentiel qu’un projet de renaissance de ce dernier pouvait emprunter, une possibilité claire se dessi­ nait pour les Wendats: réapprendre leur langue pour la reparler un jour et, par le fait même, approfondir et raffermir leur identité, dont la langue est un marqueur important. Au moment de rédiger son article de 1992, Linda Sioui jugeait assez bonnes les chances que le wendat puisse revivre. Un appel était donc lancé aux descendants des Hurons d’autrefois afin de «tenter l’effort ultime». Dans ce chapitre, nous allons montrer comment les Wendats ont répondu à cet appel, d’abord de façon informelle, puis en mettant en place, à partir du milieu des années 2000, un projet majeur de revitalisation langagière (le projet Yawenda) visant à réintroduire le wendat comme langue de culture – et peut­être un jour langue seconde – au sein de leur nation. Mais avant d’en arriver là, commençons par présenter l’histoire linguistique de cet idiome. 1. Histoire linguistique Selon toute vraisemblance, la première transcription d’une langue autochtone en Amérique du Nord fut celle que Jacques Cartier fit du parler de Stadaconé, qui appartenait à la famille iroquoienne (Mithun, 1979, p. 133). Celle­ci se subdivise en deux entités principales, l’iroquoien du Nord et l’iroquoien du Sud. La branche du Sud comprend seulement la langue cherokee (qui a plusieurs dialectes). Le linguiste Floyd Lounsbury (1961) estime que le cherokee s’est séparé des autres langues iroquoiennes il y a 3 500 à 3 800 ans. L’iroquoien du Nord s’est ensuite subdivisé entre l’iroquoien de la Côte et l’iroquoien des Lacs (Kopris, 2001). À en croire la glot­ tochronologie, cette séparation aurait eu lieu il y a de cela entre 1 900 et 2 400 ans (Lounsbury, 1961). Par la suite, l’iroquoien des Lacs s’est scindé en deux branches, la branche ontarienne et celle des Cinq Nations, la première incluant, entre autres, la langue ancestrale...

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