Initiatives locales et lutte contre la pauvreté et l’exclusion

1. Les initiatives locales et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion

1 les InItIAtIves loCAles et lA lUtte Contre lA pAUvretÉ et l’eXClUsIon1 Juan-Luis Klein, Jean-Marc Fontan et Diane-Gabrielle Tremblay Dans ce premier chapitre, nous présenterons la problématique et les bases théoriques de la recherche sur lesquelles s’appuie cet ouvrage.Cette recherche porte sur les initiatives territoriales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion qui mobilisent des ressources de l’économie sociale. Ces initiatives sont lancées par des acteurs locaux qui mobilisent des ressources diversifi ées et qui ont comme objectif d’apporter une solution à des problèmes locaux de développement. Notre objectif est de dégager les facteurs qui interviennent dans la réussite des initiatives locales, c’est-à-dire les facteurs qui font que ces initiatives mettent en œuvre une dynamique de reconversion socio-économique des communautés qui se traduit par une revitalisation sociale et économique. 1. Ce texte est une version modifiée d’une partie d’un texte publié dans Canadian Journal of Regional Science/Revue canadienne des sciences régionales, sous le titre «Social entrepreneurs , local initiatives and social economy: Foundations for a socially innovative strategy to fight against poverty and exclusion».Voir Klein, Fontan et Tremblay (2009). 14 Initiatives locales et lutte contre la pauvreté et l’exclusion 1. La pauvreté et l’exclusion: une perspective territoriale La perspective territoriale que nous empruntons pour aborder la lutte contre la pauvreté et l’exclusion nous amène à mettre l’accent moins sur l’état dans lequel se trouvent les personnes pauvres ou exclues que sur les processus qui provoquent cet état dans divers types de territoire. Ce qui nous intéresse ici est l’appauvrissement plutôt que la pauvreté et l’exclusion plutôt que les exclus. Ces processus sont complexes et se traduisent par la combinaison de plusieurs mécanismes. Ces mécanismes opèrent sur plusieurs plans et à différentes échelles,comme le montrent Moulaert, Morliccio et Cavola (2007), et provoquent des fractures importantes à la fois sociales et territoriales. Certaines de ces fractures sont provoquées par les caractéristiques mêmes du capitalisme, telles que les disparités en termes d’investissements et de revenus provoquées par l’inégalité des échanges (Emmanuel, 1969; Amin, 1973), d’une part, et d’autre part, en termes de différences de capacit é des communautés et des individus d’influencer les décideurs dans les milieux publics et privés (Myrdal, 1959). Le capitalisme est fondé sur ces disparités qui permettent l’exploitation du travail,l’extraction de la plus-value et l’enrichissement inégal des classes sociales, ce qui se traduit par des iniquités en termes d’accès aux biens et aux services. Bien sûr, les sociétés capitalistes ont mis en place des modalités de régulation d’inspiration keynésienne qui assurent la redistribution du revenu et qui atténuent ces inégalités, à des degrés et avec des résultats différents d’ailleurs selon les cas, ce dont témoignent les divers indicateurs de répartition des revenus aussi bien à l’échelle mondiale qu’à l’échelle des différents pays. Il demeure que, malgré ces modalités de régulation, les inégalités entre les riches et les pauvres se maintiennent et s’intensifient. L’évaluation à partir des coefficients de Gini et de la répartition de la richesse entre les différentes strates de revenu faite par Durand et Förster (2009) montre que depuis les années 1980, les inégalités ont augmenté dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et que, depuis le début des années 2000, le Canada fait partie du groupe de pays où elles se sont le plus nettement accentuées (p. 7). Même dans les cas où certains indicateurs signalent qu’un processus d’amélioration général est en cours, comme c’est le cas du Québec, la situation des moins nantis demeure très vulnérable, comme le confirme l’analyse des inégalités entre les familles réalisée par le Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal (2008). La croissance des inégalités sociales engendre aussi de profondes inégalités territoriales, la richesse et la pauvreté étant inégalement réparties dans l’espace à cause de la localisation différentielle des...