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C H A P I T R E 2 COMMUNICATION, CULTURE ET CHANGEMENT Éléments pour une épistémologie en communication en contexte d’altérité culturelle Oumar Kane Université du Québec à Montréal 28 Communication internationale et communication interculturelle Dans la présente contribution, nous nous basons sur une revue de la littérature spécialisée pour analyser les champs de la communication internationale et de la communication interculturelle à partir de questionnements de nature épistémologique. Pour ce faire, nous nous situons à l’articulation de la langue, de la culture et de la communication en vue d’interroger la construction épistémique de ces domaines de recherche qui ont acquis une certaine visibilité en sciences de la communication. Relevant simultanément de la culture et de la communication, le langage est un moyen indispensable et incontournable du chercheur en sciences humaines et sociales. Pourtant, peu d’attention est portée à la spécificité de l’oralité et du langage écrit en communication internationale ou interculturelle. Dans un premier temps, nous nous questionnons sur les relations entre la méthodologie de la recherche (retranscription, analyse de pratiques relevant de la culture orale, etc.) et l’interaction culturelle entre le chercheur et son terrain. Dans une deuxième partie, nous abordons la question plus spécifique de la langue et de l’oralité dans ses rapports avec la construction d’un savoir écrit. Il s’agit, dans cette partie, de montrer la nécessité de demeurer attentif aux distorsions qui peuvent émerger de l’usage scientifique de l’écriture pour rendre compte des pratiques dans des cultures orales. À partir de ces considérations, nous nous concentrons sur la communication en tant que discipline, d’abord dans ses rapports avec le développement (communication internationale pour le développement) puis avec la culture (communication interculturelle). Nous concluons ce texte sur des considérations méthodologiques pour la communication en contexte d’altérité culturelle, qui nécessite de manière résolue la revendication de son interdisciplinarit é pour demeurer féconde. 1. QUELQUES CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES Dans Les mots et les choses, Michel Foucault analyse les fondements épistémiques qui ont rendu possibles les systèmes de pensée du monde occidental à différentes périodes. À une approche qui focalise sur les sujets humains comme acteurs souverains de l’histoire et de la configuration du savoir, l’auteur oppose une archéologie comme principe d’investigation qui consiste «sans tenir compte des personnes ni de leur histoire, à définir les conditions à partir desquelles il a été possible de penser dans des formes cohérentes et simultanées […]» (Foucault, 1966, p. 214). Chez Foucault, à l’opposé d’Althusser, l’État n’est pas le lieu exclusif d’exercice du pouvoir. Plutôt, le pouvoir est premier par [18.190.156.80] Project MUSE (2024-04-25 00:58 GMT) Chapitre 2 v Communication, culture et changement 29 rapport à l’État qui ne fait que le réverbérer. On comprend dès lors la pertinence dans l’analyse foucaldienne d’un recours à ce qu’il qualifie de microphysique du pouvoir. S’inspirant des travaux de Foucault, Edward Saïd (1980) réfère à l’orientalisme comme discours, c’est-à-dire comme moyen d’exercice d’un savoir-pouvoir. En fait, l’ensemble de textes générés dans le domaine orientaliste produit un savoir qui tire sa crédibilit é de ses références bibliographiques1. En même temps qu’ils produisent un savoir, les textes construisent la réalité dont ils prétendent rendre compte. Avec le temps s’établit une tradition qui préside à l’élaboration des discours conçus par Foucault comme caractéristiques de l’esprit d’une époque. C’est en ce sens que les discours sont moins des œuvres idiosyncrasiques d’auteurs particuliers que la verbalisation de certains rapports de pouvoir. L’orientalisme serait ainsi définissable comme «signe de la puissance européenne et atlantique sur l’Orient» plutôt que comme corps de savoir objectif sur une culture spécifique. Cette modalité du rapport à l’autre a également été examinée par Tzvetan Todorov (1982) qui arrive à la conclusion similaire que l’expérience occidentale par rapport aux cultures autres oscille entre deux extrêmes. Soit l’autre est considéré comme un égal, auquel cas il doit être assimilé par projection de ses propres valeurs sur lui, soit à l’opposé il est considéré comme différent, cette différence...

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