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C H A P I T R E 11 LA CRISE DES ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES Discours journalistiques et discours populaires Maryse Potvin Université du Québec à Montréal 224 Communication internationale et communication interculturelle La société québécoise a été marquée, de 2006 à 2008, par une crise sociale et médiatique dite des «accommodements raisonnables» (AR)1, un concept juridique propre au Canada et qui découle de la jurisprudence de la Cour suprême en matière de discrimination indirecte et de droits de la personne. Le débat sur les accommodements raisonnables a commencé son ascension et sa cristallisation à partir de mars 2006, après le jugement de la Cour suprême du Canada (jugement Multani) qui autorisait, sous certaines conditions, le port du kirpan à l’école publique québécoise pour un élève sikh baptisé (Potvin, Audet et McAndrew, 2008)2. En janvier-février 2007, le débat se transforme en«crise» et atteint son apogée. Dans un contexte de surenchère médiatique et de discours populistes, le premier ministre créé le 8 février 2007, en début de campagne électorale, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (commission Bouchard-Taylor). À l’automne 2007, la commission se déplace dans toutes les régions du Québec pour entendre, lors d’audiences publiques, différents discours d’opinion de citoyens et d’organismes sur des sujets qui débordent largement des «accommodements raisonnables». S’il est difficile de mesurer avec exactitude l’impact des médias sur l’opinion publique, plusieurs acteurs ou observateurs ont admis que la surenchère médiatique dans ce débat a permis une certaine banalisation des discours racistes, par l’octroi d’un espace élargi à leur expression . Dès février 2007, le journaliste du Devoir, Jean-Claude Leclerc, disait que les médias avaient exagéré. Ce débat, qu’il considère comme une «psychose publique», aurait été une pure fabrication des médias,«les seuls qui ont mis cet enjeu sur la table3 ». Au congrès de la Fédé-». Au congrès de la Fédé- . Au congrès de la Fédération des journalistes du Québec de décembre 2007, de nombreux journalistes feront leur mea culpa. Avant la fin des audiences publiques de la commission Bouchard-Taylor (décembre 2007), plusieurs journalistes soutiennent qu’il ne se passait rien de concret ou de grave pour justifier un tel alarmisme4, alors qu’ils avaient eux-mêmes abondamment parlé de «crise» pendant des mois, dont Lysiane Gagnon, qui, par un revirement, affirme dans sa chronique du 22 novembre 2007: 1. Nous utiliserons souvent l’abréviation «AR» dans ce texte, par économie d’espace. 2. Le débat réapparaissait de manière ponctuelle depuis 1985, mais portait généralement sur de véritables accommodements raisonnables, soit au sens juridique (Bouchard et Taylor, 2008, p. 14-16). 3. Leclerc, Jean-Claude, «Les médias ont-ils exagéré?», Le Devoir, 5 février 2007, p. B6. 4. Voir entre autres L’Actualité du 1er octobre 2007 et de La Presse des 12-13 novembre 2007. [3.140.198.43] Project MUSE (2024-04-25 16:06 GMT) Chapitre 11 v La crise des accommodements raisonnables 225 Que se passe-t-il concrètement dans les écoles et les hôpitaux multiculturels – là où, justement, se poserait le soi-disant probl ème des accommodements raisonnables? […]: de fait, il ne se passe pas grand-chose qui puisse justifier l’alarmisme médiatique et les cris d’orfraie de ceux qui voient déjà nos valeurs foulées aux pieds par l’afflux de minorités revendicatrices. Rien non plus qui puisse justifier l’existence de la commission Bouchard-Taylor. […] Quand on va sur le terrain […] on voit bien que toute cette histoire était une tempête dans un verre d’eau, et qu’il n’était nul besoin de gaspiller des millions de dollars et les précieux neurones de nos intellectuels pour enquêter sur le sujet. […] La réalité, c’est que 1) il y a très peu de demandes d’accommodements provenant de minorités religieuses; 2) ces demandes sont parfois agréées, parfois non, dans un climat de savoir-vivre. Cela se fait au jour le jour, de manière pragmatique (La Presse). Or, la même Lysiane Gagnon écrivait dans sa chronique de La...

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