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Partie 2 néolibéralisme ou néocolonialisme? Le processus contemporain de perpétuation et de réorganisation de la périphérisation On a tant rendu à César qu’il n’y en a plus que pour lui. André Gide 50 Géopolitique d’une périphérisation du bassin caribéen Cette partie examine l’histoire politique et économique de ces quarante dernières années pour dresser un parallèle entre l’accentuation de la périph érisation de la région depuis les années 1970 (la date correspond à la naissance de l’école d’économie de Chicago et aux «éprouvettes» néolib érales du Chili de Pinochet et de l’Argentine de Videla), et avec un rythme accéléré depuis les années 1980 (Thatcher/Reagan) et 1990 (effondrement du mythe des Nouveaux pays industrialisés – NPI –, et l’apparition d’un courant politique capitaliste extrémiste: le néolibéralisme, dont on fixe la naissance théorique aux alentours du colloque Lippman, en 1938, et son application à la fin des années 1970. Cette accélération correspond en effet peu ou prou à l’apparition du néolibéralisme, une réactualisation de la doctrine libérale qui avait renforcé les inégalités et provoqué le désastre économique de 1929, et qui avait depuis été abandonnée dans les centres de l’économie mondiale au profit des politiques keynésiennes. On peut remarquer que la domination du système-monde, celui des centres sur les périphéries, s’exerce d’autant mieux que les États des territoires périphériques sont inexistants, impuissants ou réduits au rôle de façades étatiques fonctionnant au profit d’une petite élite locale et d’une ou plusieurs métropoles exogènes. Comme nous le verrons dans cette partie, la politique extérieure des États-Unis dans la région a été entièrement menée avec cet objectif en vue depuis le début du XIXe siècle, écrasant – si besoin dans le sang – toute tentative de développement d’un État véritablement nationaliste et indépendantiste. De même, les anciennes métropoles européennes ont adhéré à ce nouveau mouvement de domination durant le Country Boom des indépendances. Cette évolution des pratiques de domination spatiale, largement analysée notamment par bon nombre de chercheurs américains, fait l’objet d’un débat. Plusieurs termes ont été employés pour la décrire. Les termes de «néocolonialisme» et de «néoimpérialisme» sont, par exemple, vivement critiqués, à la fois par les chercheurs convaincus que les pratiques coloniales/impériales appartiennent au passé, et ont cessé avec les levées de drapeaux (pour céder la place à des conflits internes de domination) – nous serions actuellement dans une période postcoloniale –, et par un nombre croissant d’analystes observant de nouvelles pratiques de domination (spatiale et économique) à l’œuvre dans le système-monde, mais ne voulant pas utiliser ces termes pour décrire des modèles qu’ils jugent nettement différents. [52.14.126.74] Project MUSE (2024-04-24 13:42 GMT) Néolibéralisme ou néocolonialisme? 51 Le fond du problème repose en réalité, sans doute, au moins partiellement , sur la connotation panafricaine – on doit le «néocolonialisme» à Nkrumah (Barongo, 1980) – et plus encore marxiste révolutionnaire du terme. Dès 1965, Ernesto «Che» Guevara parlait, par exemple, de «néocolonialisme » pour décrire une domination impériale (Guevara, 1965). Kwame Nkumah voit pour sa part dans le néocolonialisme «la dernière étape de l’impérialisme» (Nkrumah, 1965). «Nous autres, qu’on appelle poliment sous-développés», déclare Che Guevara, «sommes en fait des pays coloniaux, semi-coloniaux ou dépendants. Nos pays ont été déformés par l’impérialisme qui a développé anormalement ses branches industrielles et agricoles pour compléter son complexe économique» (Guevara, 1961). Pas de «sous-développement» dans la pensée guévariste, mais un«développement déformé» par l’impérialisme. Face au déluge de critiques entourant désormais ces appellations, bon nombre de chercheurs ont abandonné toute forme de recherche en la matière. Pourtant, note Émilienne Baneth-Nouailhetas dans un numéro d’Hérodote consacré au postcolonialisme, «s’interroger sur la place du colonial dans le monde contemporain, voilà une entreprise de pensée et de représentation qui va bien au...

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