In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

C h apitr e 9 L’intervention clinique avec les familles et les proches en travail social Pour une prise en compte de la complexité – prise deux1 Suzanne Mongeau, Pierre Asselin et Linda Roy 9.1. Mise en contexte Le titre de ce chapitre situe d’entrée de jeu les finalités que nous poursuivons dans cet écrit. Il s’agit de se pencher sur une forme d’intervention particulière (l’intervention clinique), auprès d’un groupe particulier (les familles et les proches), dans un champ donné (celui du travail social). Il s’agit aussi d’identifier à l’intérieur de ces balises certaines dimensions qu’il importe de considérer si l’on veut rendre compte de toute la ­ complexité de ce travail. Avant d’aller plus loin, des précisions s’imposent quant à certains termes employés dans le titre de ce chapitre et quant aux orientations que nous avons choisies de donner à ce texte. Qu’est-ce que l’intervention clinique et pourquoi est-ce pertinent d’aborder l’intervention avec les familles et les proches sous cet angle? Quelle est la pertinence de se 1. Une première version de ce chapitre a été publiée en 2007 dans le tome IV de Problèmes sociaux: théories et méthodologies de l’intervention sociale. Dans la version présentée ici, une mise à jour de la littérature a été faite et certaines idées issues de l’approche narrative ainsi que de l’approche participative ont été ajoutées. 192 Le travail social­ pencher spécifiquement sur l’intervention auprès de ce groupe particulier que sont les familles et les proches? Comment faire de l’intervention clinique avec les familles et les proches sans pour autant adopter une idéologie familialiste2 et sans renier la place que la famille prend dans la vie des gens? En quoi le champ du travail social constitue-t-il un contexte particulier d’intervention auprès d’eux? Comment, dans la pratique clinique avec les familles et les proches, rester cohérent avec les valeurs fondamentales qui sous-tendent la pratique du travail social? Qu’entendon par complexité? Quelles sont les dimensions qu’il importe de privilégier si l’on ne veut pas évacuer trop rapidement une certaine complexité? Le travail clinique fait appel au singulier et au particulier. Il exige de l’intervenant qu’il prenne chaque fois le temps de poser un regard sur l’unicité de la situation présentée. Il implique de se colleter avec l’imprévu, l’inconnu et l’incertitude. Comme le rappelle Karsz (2004, p. 121), «la clinique suppose de la découverte, de l’invention, de la trouvaille». La posture clinique implique donc l’usage d’une éthique de la curiosité plutôt qu’une éthique du contrôle (Gingras et Lacharité, 2009; Madsen, 2009). En ce sens, elle se situe aux antipodes de tout savoir qui se veut absolu. Le travail clinique fait partie du quotidien de nombreux travailleurs sociaux. Qu’ils travaillent en centres jeunesse, dans les hôpitaux ou dans ce qu’on appelait auparavant les CLSC, les travailleurs sociaux doivent en effet rencontrer des personnes qui vivent des situations uniques et particulières et ils doivent dans l’immédiateté composer avec ces différentes situations. Or, paradoxalement, bien qu’au quotidien ils soient fréquemment amenés à faire de l’intervention clinique, on retrouve peu d’écrits portant sur la dimension clinique du travail social. Dans les dernières décennies, on retrouve surtout des écrits sur les problématiques, sur diff érents protocoles d’intervention, sur le processus d’intervention ainsi que sur les différentes approches utilisées en travail social. Différents facteurs peuvent expliquer la réticence à se pencher sur la dimension clinique du travail social. Le fait que le terme clinique ait surtout été utilisé par des courants psychologiques et psychanalytiques peut contribuer à expliquer que le champ du travail social, en voulant se démarquer de telles orientations, se soit éloigné de la dimension clinique. Le paradigme technique qui prévaut de plus en plus dans les milieux d’intervention (Renaud, 1997) de même que le processus de fonctionnarisation des travailleurs sociaux qui s’est opéré dans les dernières années (Amiguet, 2010) ont aussi eu 2. Dans l’idéologie familialiste, la famille est perçue non seulement comme la source du bonheur, mais aussi comme source du malheur...

Share