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C H A P I T R E 9 UNE POSITION SINGULIÈRE DE L’ALTERNATIVE DANS LE CHAMP CONTEMPORAIN DU TRAITEMENT EN SANTÉ MENTALE à l’écoute et à la lecture des récits, on est frappé par l’absence ou la rareté de termes empruntés au vocabulaire médical – diagnostic, maladie, sympt ôme, insuffisance – ou tout au moins, lorsqu’on les mentionne, par leur manque de portée en regard du projet des ressources alternatives de traitement. Ces ressources s’intéressent peu de façon générale à l’idée d’une maladie mentale qui viendrait affecter le corps dans sa matérialité brute. Ainsi, lorsqu’on se réfère à la notion de psychose, c’est pour attirer l’attention sur les défis particuliers que pose l’altération précise de l’expérience dont témoigne la psychose. De façon plus générale, sans nécessairement et directement s’attaquer à l’idée de diagnostic, les ressources alternatives considèrent que la part essentielle du traitement qu’elles offrent se joue ailleurs. En effet, l’attention des ressources alternatives de traitement porte de façon fondamentale sur ce que l’on peut désigner comme la subjectivité, même si celle-ci n’apparaît pas toujours nommée comme telle. La subjectivit é dont il est question ici est moins dotée d’un contenu précis qu’elle n’apparaît comme une possibilité à stimuler, toujours singulière. Elle concerne à la fois l’unicité et la dignité de l’être humain, et c’est d’abord et fondamentalement à cette subjectivité que les ressources alternatives de traitement s’adressent. C’est à partir d’elle que la souffrance est prise en 132 LE MOUVEMENT DE L’ÊTRE compte. Les récits montrent à quel point la souffrance subjective et ce qu’elle exprime comme manque, comme vide, comme difficulté d’être représentent le nœud le plus incontournable du traitement. Ils montrent que la prise en compte de la souffrance subjective demande du temps, le temps qu’elle puisse être exprimée, le temps d’être véritablement entendue, le temps aussi d’un travail, peut-être d’une réélaboration, sur la souffrance et à partir de celle-ci. Nous avons aussi vu que les ressources alternatives de traitement s’attachent à la fois à offrir à des personnes très souffrantes un lieu où elles peuvent en quelque sorte se déposer, un lieu où il fait bon vivre, et à mettre en place les conditions d’une mise au travail en profondeur, qui s’exprime davantage comme un encouragement à la mobilisation de la personne que comme une obligation. Certains écarts se manifestent par ailleurs. Ils concernent le sens à donner à l’idée d’une participation de la personne, dans le contexte de milieux de pratiques qui veulent rendre possible une mise au travail en profondeur. La position dominante est un souci de mettre en place des conditions permettant de soutenir l’émergence et le déploiement d’un mouvement de subjectivisation, ce qui demande aussi de reconnaître les contraintes internes auxquelles font face les personnes , ce qui suppose un accompagnement tout en nuances, toujours respectueux du rythme et des limites exprimées par les personnes ou pressenties par les intervenants. Une autre position se dégage aussi, plus minoritaire et à connotation plus moralisatrice, au sens où elle en appelle à la responsabilisation de la personne, en matière d’effort et d’engagement dans sa propre démarche. On peut y voir un reflet d’une certaine idée du sujet marquée par les normes modernes d’autonomie, de responsabilité et d’action. Par ailleurs, lorsqu’elle s’exprime, cette position portée tantôt par les intervenants, tantôt par les usagers ne semble jamais dominante dans la ressource concernée. De façon plus générale, dans les ressources alternatives, le traitement implique à la fois et de manière inextricable la prise en compte de la souffrance subjective et l’horizon d’un retour à la vie. Cet horizon s’articule autour d’une attention et d’un respect pour la singularité des personnes, ainsi que d’un souci de redonner à l’humain son amplitude et son épaisseur, par la mobilisation de différents registres. Il ne s’agit donc pas de répondre à des besoins de base, mais de re-mobiliser la personne et de la re-mettre en mouvement. Il ne s’agit pas non plus d’une sorte...

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