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Introduction - La collaboration entre les agents éducatifs
- Presses de l'Université du Québec
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La collaboration entre les agents éducatifs De la prescription aux pratiques Cecília Borges Professeure agrégée Université de Montréal Liliane Portelance Professeur titulaire Université du Québec àTrois-Rivières Joanne Pharand Professeure Université du Québec en Outaouais INTRODUCTION Introduction 2 Cet ouvrage traite de la collaboration au travail parmi les agents éducatifs (enseignants, directions d’établissement, conseillers pédagogiques, mais aussi parents, universitaires, formateurs, etc.) œuvrant dans les établissements scolaires et en formation des enseignants. Le choix de cette thématique résulte de l’évolution récente des systèmes scolaires et de la profession enseignante. En effet, en éducation et surtout auprès des agents éducatifs, le discours en faveur de la collaboration au travail s’est imposé ces dernières décennies comme une norme quasi incontournable, entraînant l’apparition d’une multitude de nouvelles notions et perspectives: l’organisation apprenante (Fullan, 1993), la communauté d’apprentissage (Savoie-Zajc et Dionne, 2001), l’apprentissage organisationnel (Letor, Bonami et Garant, 2007), le travail partagé (Marcel, Dupriez, Périsset Bagnoud et Tardif, 2007; Piot et Marcel, 2009; Tardif et Borges, 2009) ou le travail collectif (Lessard, 2005), le partage des savoirs entre les intervenants (Lessard et Portelance, 2005), l’analyse collective de pratiques professionnelles (Gervais et Correa Molina, 2005), etc. Du côté des politiques éducatives plus récentes, on retrouve ce même appel aux vertus de la collaboration. Par exemple, la décentralisation fait appel au partenariat égalitaire (Derouet et Gonnin-Bolo, 2002), à la coopération et à la concertation (Gajda, 2004). De plus, une dynamique relationnelle caractérisée par la collaboration aurait des incidences positives sur le développement professionnel des enseignants (Clement et Vandenberghe, 1999) ainsi que sur la réussite scolaire des élèves (Shachar, Shmuelevitz et Tschannem-Moran, 1997; Goddard, Goddard et Tschannem-Moran, 2007). Mais que signifie collaborer? Selon Bush (2003), la collaboration est une notion plurielle qui recoupe la conversation, la discussion, la communication entre deux ou plusieurs enseignants dans un but orienté; elle est aussi un chemin vers la connaissance de soi comme professionnel engagé dans le dialogue avec les collègues qui partagent les mêmes buts eu égard à leurs étudiants; enfin, elle est un processus de quête vers la connaissance de soi, laquelle ne peut pas se réaliser si la porte de la salle de classe reste fermée et s’il n’y a pas de partage. Plusieurs autres acceptions sont mentionnées dans cet ouvrage, ce qui illustre la pluralité et la diversité des conceptions de la collaboration. Au-delà du discours soutenant la collaboration sur le terrain, les recherches montrent que les agents éducatifs, particulièrement les enseignants, se heurtent à certains obstacles lorsqu’ils veulent collaborer. Comme le souligne Bush (2003), jeter un regard sur le contexte scolaire permet de contrebalancer un discours univoque sur les avantages de la collaboration. Par exemple, dans son étude sur l’organisation scolaire, Rosenholtz (1989) a mis en évidence l’autosuffisance et l’incertitude des enseignants comme des obstacles à la collaboration . L’autosuffisance et l’incertitude, selon elle, constituent des armes à double tranchant. La première rend les enseignants sourds à leurs collègues et à leurs problèmes respectifs, elle sert de protection à l’enseignant relativement [54.198.146.224] Project MUSE (2024-03-29 05:35 GMT) La collaboration dans le milieu de l’éducation 3 à ses propres difficultés, tout en contribuant à la séparation étanche des territoires professionnels entre intervenants ou agents éducatifs. La seconde culpabilise les enseignants par rapport aux difficultés qu’ils éprouvent, alors qu’ils s’imaginent qu’ils sont les seuls à les vivre; de plus, l’établissement de relations d’aide est souvent difficile pour certaines personnes qui redoutent de collaborer, de peur de dévoiler leurs propres difficultés. Outre ces difficultés plus personnelles, Hargreaves (1994) a aussi mis en évidence les problèmes qui accompagnent l’imposition de la collaboration dans le milieu scolaire, qu’il appelle la contrived collegiality, et qu’il définit comme des relations de collaboration au travail qui ne sont pas spontanées, volontaires, orientées vers le développement professionnel et qui s’insinuent de manière bureaucratique dans les espaces et le temps de travail. Par contraste avec une véritable culture collaborative, la contrived collegiality est obligatoire, régulée administrativement, orientée vers une mise en œuvre formaliste, fixée dans les temps et espaces de travail et prévisible. En formation...