Les outils de la pensée: L'approche vygotskienne dans l'éducation à la petite enfance

Chapitre 8 - Les gains développementaux et l'activité maîtresse chez les poupons et les trottineurs

C H A P I T R E 8 Les gains développementaux et l’activité maîtresse chez les poupons et les trottineurs 144 LES OUTILS DE LA PENSÉE Vygotsky croyait que le développement comprend des changements qualitatifs et quantitatifs. Les enfants traversent des périodes de chan‑ gements qualitatifs lorsque la nature même et la structure de leur pensée sont modifiées. Chaque phase ouvre la voie à de nouvelles structures cognitives et affectives. Il existe également des périodes au cours desquelles aucune nouvelle structure ne s’établit, mais l’enfant continue toutefois à développer ses compétences existantes. Durant ces périodes, le développement s’opère comme un changement quantitatif, c’est‑à‑dire que la quantité d’éléments que l’enfant peut mémoriser et traiter augmente. LE CONCEPT DE GAIN DÉVELOPPEMENTAL L’expression «gain développemental» a été créée afin de décrire les nouvelles structures cognitives et socioaffectives que Vygotsky et ses étudiants ont identifiées comme étant les indicateurs de chaque période de développement de l’enfant. Toutes les nouvelles compétences de l’enfant à un âge donné ne constituent pas nécessairement des gains développementaux. Seules celles qui sont essentielles au passage de l’enfant à la période suivante sont désignées ainsi. Par exemple, la capacité de raisonner en images, soit un prolongement du raisonnement sensorimoteur, est un gain développemental du stade de la petite enfance, car elle est nécessaire aux jeux de simulation qu’inventent les enfants d’âge préscolaire. Le débat au sujet de ces gains développemen‑ taux n’est pas uniforme dans les écrits de Vygotsky et n’est pas présenté comme une théorie cohérente. Après son décès, ses collègues et ses étudiants (Elkonin, 1977; Leont’ev, 1978) ont poursuivi des travaux à partir de ces idées pour en venir à les regrouper en stades détaillés qui servent à l’étude du développement de l’enfant en Russie aujourd’hui (p. ex., Karpov, 2005). Le contexte social du développement Dans le cadre vygotskien, les gains développementaux sont considérés comme des prolongements du contexte social du développement qui est différent pour chaque âge. Le contexte social du développement a été défini par Vygotsky comme un rapport unique propre à un âge donné, entre l’enfant et la réalité, principalement la réalité sociale qui l’entoure (Vygotsky, 1998). Il s’agit d’un ensemble de facteurs sociaux et environnementaux qui s’unissent pour créer le contexte au sein duquel le développement se réalisera et sera soutenu. C’est également cet ensemble de facteurs qui contribueront à déterminer les compétences de l’enfant lui permettant d’interagir dans ce contexte. LES gAINS DÉvELOPPEmENTAUx ET L’AcTIvITÉ mAîTrESSE chEz LES POUPONS ET LES TrOTTINEUrS 145 Le contexte social du développement repose sur deux facteurs. D’abord, il y a les compétences cognitives et socioaffectives propres à un âge donné: les compétences d’un nourrisson de quatre mois diffèrent indubitablement de celles d’un enfant de quatre ans. Puis, la façon dont les adultes interagissent avec l’enfant change comme il prend de la maturité. Vygotsky soutenait que la société modifie ses attentes et sa manière d’agir envers l’enfant à mesure qu’il grandit. Par conséquent, le contexte social, ou l’environnement social de l’enfant, varie selon son âge. Par exemple, bon nombre des attentes à l’égard des enfants d’âge préscolaire sont différentes de celles imposées aux enfants d’âge scolaire. La société s’attend à ce que les écoliers soient plus autonomes et, par conséquent, de nombreuses cultures insistent sur le développement de comportements intentionnels chez les enfants de cet âge. En outre, ces attentes sur le plan social ont changé au fil du temps. Ainsi, les attentes actuelles à l’égard des enfants d’un âge donné ne sont pas les mêmes qu’il y a 25 ans. Par exemple, davantage de trottineurs sont inscrits à un service de garde qu’auparavant, ce qui a entraîné un changement quant aux attentes sur le plan des aptitudes sociales. Aujourd’hui, les adultes s’attendent à ce que les trottineurs soient capables d’interagir avec leurs pairs...