La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes

Chapitre 1. Le soutien social comme facteur de protection de l’épuisement des enseignants

C H A P I T R E 1Le soutien social comme facteur de protection de l’épuisement des enseignants Pierre-André Doudin Université de Lausanne et Haute école pédagogique (Lausanne) Denise Curchod-Ruedi Haute école pédagogique (Lausanne) Jean Moreau Unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques (Lausanne) 3163 santé enseignants-G3004.indd 11 11-03-31 15:56 3163 santé enseignants-G3004.indd 12 11-03-31 15:56 Le soutien social comme facteur de protection de l’épuisement des enseignants 13 Actuellement, le terme de burnout est abondamment cité notamment dans le monde enseignant . Il est parfois utilisé indifféremment dans le sens de stress, de dépression ou encore d’épuisement professionnel . Dans ce chapitre, nous préciserons tout d’abord ce que recouvre ce concept . Ensuite, si, dans une première phase, ce sont les facteurs de risque de burnout que les recherches ont d’abord étudiés, des travaux plus récents se sont attachés à définir les facteurs de protection. Ces deux types de facteurs sont indissociables pour comprendre une situation dans toute sa complexité et pour entreprendre une démarche de prévention . Par conséquent, nous nous attacherons à mettre en évidence les causes possibles de l’épuisement professionnel des enseignants et les mesures envisageables pour tenter d’y faire face. Enfin, nous référant aux résultats d’une recherche en cours, nous signalerons en quoi le soutien social, c’est-à-dire le réseau d’aide qu’une personne peut solliciter lorsqu’elle est confrontée à des situations professionnelles problématiques, peut constituer une protection efficace contre l’épuisement professionnel . 1. Santé et burnout des enseignants et enseignantes Bradley (1969) a été le premier à reconnaître un stress propre au monde professionnel appelé burnout (littéralement «se consumer»), ce qui a été traduit en français par «épuisement professionnel» . Cependant, et encore actuellement, il n’y a pas de consensus sur la caractérisation du burnout. Truchot (2004) relève plus de 50 définitions différentes. Cependant , à la suite de Freudenberger (1974, 1981) et de Maslach (1976), la plupart des auteurs mettent l’accent sur trois dimensions du burnout: 1 . le sentiment d’épuisement émotionnel avec l’impression d’avoir tari son énergie et de ne plus pouvoir donner sur le plan professionnel; 2 . une diminution de l’accomplissement personnel qui se vit comme un sentiment d’insatisfaction et d’échec pour ce qui est de la réussite personnelle dans son travail; 3 . une tendance à la déshumanisation (ou dépersonnalisation) de la relation avec une représentation impersonnelle et négative des élèves, des parents et des collègues . La relation est conduite de façon froide, distante, voire cynique . Cette dimension du burnout renvoie à la manifestation d’émoussement émotionnel 3163 santé enseignants-G3004.indd 13 11-03-31 15:56 14 La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes qui se traduit par une déficience de la capacité d’empathie, puisque la perception et la compréhension des émotions d’autrui deviennent difficiles. Afin de déterminer l’état d’épuisement professionnel, différents instruments sont apparus, comme le Test de santé total (TST) proposé par Langner (1962) . L’échelle de Maslach (1976) ou échelle MBI (Maslach Burn Out Inventory) permet elle aussi d’appréhender le syndrome d’épuisement professionnel . Ce test, composé de 22 items permettant d’explorer les trois dimensions énoncées ci-dessus, a d’abord été mis au point pour mesurer le burnout des professions médicales . Il a fait l’objet d’une adaptation pour la profession enseignante et a été utilisé dans de très nombreuses recherches depuis le début des années 1980 jusqu’à maintenant (voir, par exemple, Belcastro et Gold, 1983; Evers, Tomic et Brouwers, 2004; Mazur et Lynch, 1989; Yavuz, 2009) . Différentes recherches, à commencer par celles de Freudenberger (1974, trad . fr . 1981) et de Maslach (1976) puis de Vézina et Gingras (1995) et de Camana (2002), ont permis de reconnaître que la profession enseignante comme d’autres professions basées sur les relations d’aide (infirmiers, médecins, avocats, travailleurs sociaux, policiers, psychologues) serait particulièrement exposée au phénomène d’épuisement professionnel . Par exemple, en Suisse, Gonik, Kurt et Boillat (2000), Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger (2009), en Allemagne, Bauer, Unterbrink, Hack, Pfeifer, Buhl-Griesshaber, Müller, Wesche...