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c h a p i t r e 13 Restaurer l’empathie par la pratique de la savate boxe française Omar Zanna Ce texte restitue la procédure et les résultats d’une recherche menée avec des mineurs de justice en 2007-2008. L’objet central de ce travail vise à montrer comment la mise en scène de l’expérience partagée de la douleur générée par la pratique de la savate boxe française (SBF) peut permettre à certains mineurs délinquants d’apprendre à mieux gérer les situations d’angoisse qui appellent parfois le passage à l’acte violent. Pour avancer dans la démonstration, la première partie invite le lecteur à adhérer à trois principes. En premier lieu que la pratique sportive est génératrice de douleur physique, ensuite qu’il existe un lien entre l’anesth ésie momentanée de l’empathie et la délinquance violente et enfin que l’anesthésie de l’empathie est la conséquence d’une explosion d’angoisse non maîtrisée. De ces trois principes découle la thèse de la douleur physique empathisante. Pour éprouver la thèse en question, la seconde partie propose un exemple de clinique éducative des émotions générées par les douleurs sportives mené avec des mineurs pris en charge par un centre éducatif fermé (CEF). Pour faire advenir à la conscience sensible l’existence de l’autre comme une version possible de soi et, par la suite, s’engager dans une gestalt empathique, nous avons principalement utilisé la médiation des douleurs générées par les activités physiques et sportives – et notamment SBF – pratiquées en groupe. Tout le travail a consisté à encadrer une et 288 Arts martiaux, sports de combat et interventions psychosociales parfois plusieurs séances d’une heure trente environ par semaine, pendant six mois, avec 7 garçons âgés de 16 à 18 ans volontaires, et toujours en veillant à proposer des situations pédagogiques créant les conditions concrètes de l’excitation de la disposition à l’empathie qui leur fait momentanément et contextuellement défaut au moment du passage à l’acte violent. 1. Trois principes pour prémisses 1.1. Premier principe: La pratique sportive est génératrice de douleurs physiques Le choix des activités physiques et sportives (APS) comme soutien privilégié de cette recherche est lié au fait que la douleur physique est consubstantielle à la pratique sportive en ce sens que, dès lors que le corps est soumis à des mouvements différents et plus intenses que ceux de la motricité quotidienne (partenaires ou adversaires), dans un espace délimité et en présence d’autres corps, inévitablement, les chocs, les chutes, les frottements, les blessures, les courbatures, les trachées irritées, la sensation d’un cœur qui bat, des douleurs de ventre liées au stress ou consécutives à un effort intense sont au rendez-vous. Dès lors, que l’on s’inscrit dans la pratique d’une activité physique de type sportive, les risques de se faire mal sont nécessairement démultipliés, de surcroît dans le cadre de la pratique des sports de combat de percussion, où le risque est, bien entendu, traité didactiquement. On l’aura compris, il n’est pas ici question d’infliger de la douleur, mais bien de tirer profit du fait qu’elle soit inséparable de la pratique sportive et génératrice de temps de connivences émotionnelles propices à constituer un soutien éducatif. Penser le sport et par ricochet le corps comme moyen d’éducation est pour nous une manière – dans le sillage d’auteurs comme Sigmund Freud (1923), John Dewey (1965), Marcel Mauss (1925), Maria Montessori (1967), Bruno Bettelheim 1950), Didier Anzieu (1995), Jean Piaget (1947), David Le Breton (2010) et bien d’autres – de rappeler la nécessité d’allouer sa juste place au corps dans le champ de l’éducation. Tous ces auteurs reconnaissent en effet le rôle particulièrement important joué par l’expérience sensorielle, en tant que précurseur des autres apprentissages,­ notamment intellectuels, dans l’éducation. Précisons par ailleurs que notre souhait de consacrer une place toute particulière au corps endolori par la pratique des APS – à dessein d’éduquer – s’arrime également sur les travaux des auteurs qui insistent sur le fait que, avant même la mise en mots, avant la verbalisation, il y...

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