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c h a p i t r e 5 Les incidences psychosociologiques et éducationnelles de la culture martiale sur le développement identitaire des adeptes martiaux Richard Lajeunesse L’entrée des arts martiaux dans la modernité1 modifia la face ontologique de leur pratique. En effet, les pratiques guerrières étant devenues obsolètes dans les sociétés moins violentes, les arts martiaux évoluèrent vers une vocation éducationnelle et sportive. Comme l’indique Florence Braunstein, les arts martiaux se sont donc intégrés progressivement dans un nouvel univers «en subissant un mode de socialisation différent de celui dont ils 1. Lorsque nous utilisons le terme modernité, nous dirigeons notre attention sur certains traits objectifs et universels de sa définition: le triomphe du libéralisme et de l’individualisme , la domination des intérêts matériels sur les inquiétudes spirituelles, le désenchantement du monde (la substitution de la science et de la technique à la religion), le triomphe de la nation et de l’État comme cadre de vie collective, et enfin la mondialisation qui étend la modernité à l’ensemble, sinon de l’humanité, du moins du globe (Godin, 2004, p. 817). 112 Arts martiaux, sports de combat et interventions psychosociales étaient détenteurs à l’origine2 ». En dépit de la mutation ontologique des pratiques martiales, l’enseignement de ces disciplines reste largement inscrit, comme le dépeindrait le général Choi Hong Hi, dans la tradition orientale de «l’entraînement unifié du corps et de l’esprit3 ». Alors, qu’avons-nous retenu de cet héritage culturel? Comment pouvons-nous l’interpréter à l’intérieur de la pensée occidentale? Comment pouvons-nous en saisir les aspects psychosociologiques et éducationnels ? Finalement, comment­ pouvons-nous en comprendre les effets sur le développement identitaire des adeptes martiaux4 ? Afin de répondre à ces questions, l’objet de ce chapitre consistera à nous inscrire dans un paradigme communicationnel où le caractère intersubjectif des relations de chaque pratiquant s’entrelace à celle de ses pairs et à celle d’une culture propre liée à ce que nous­ pourrions appeler phénoménologiquement le monde des arts martiaux. D’entrée de jeu, nous clarifierons ce que nous entendons par culture martiale. Nous toucherons brièvement les traditions philosophiques de l’Orient liées à l’entraînement et nous entreverrons comment ces dernières se sont intégrées à la culture martiale. La poursuite de notre itinéraire consistera à mettre en évidence la compatibilité des deux traditions philosophiques en dégageant le caractère intersubjectif des enjeux psychosociologiques et éducationnels inscrits dans la culture martiale. Notre parcours se terminera par le dévoilement des résultats d’une recherche contribuant à comprendre comment les phénomènes culturels-communicationnels5 liés à ces différents enjeux agissent sur le développement identitaire de ses pratiquants. 1. L’incidence des philosophies orientales sur la culture martiale L’appellation, connue initialement en Occident sous le terme Martial Art (art martial), est apparue en premier lieu dans les discours prononcés en anglais en 1903 par Jigoro Kano, fondateur du judo, à l’époque où il n’était question que d’enseignement de techniques de combat japonaises. Sa traduction, 2. Braunstein, F. (2001). Les arts martiaux aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, p. 161. 3. Choi, H.H. (1983). Taekwon-Do Encyclopaedia, vol. 1. Mississauga, International Taekwon-do Federation, p. 21. 4. Afin d’alléger le texte, le terme adepte martial (ou adeptes martiaux) sera utilisé pour désigner une personne pratiquant un art martial. 5. Nommés à ce titre dans cette recherche. [18.117.182.179] Project MUSE (2024-04-24 21:49 GMT) Les incidences psychosociologiques et éducationnelles de la culture martiale 113 art martial, n’atteignit les écrits français que dans les années 19606. ­ Toutefois, afin de comprendre les fondements même de la culture martiale, à titre d’entraînement unifié du corps et de l’esprit, notre périple doit effectuer un retour jusqu’au VIe siècle av. J.-C. Durant cette période marquée par des guerres constantes entre les différents États de la Chine, certains ouvrages importants imprégnèrent et changèrent le cours de l’histoire de la pensée orientale. Nous pensons notamment aux écris de Lao Zi7 (entre 600 et 300 av. J.-C.), le Dao-de-jing8, le «Livre de la voie et de la vertu», amorçant les premières traces du taoïsme. Cette...

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