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c h a p i t r e 4 Traces de faire Arts martiaux, sports de combat et valeurs citoyennes Stéphane Dervaux Le présent chapitre résume un projet quinquennal, à la fois inédit et ambitieux , mené en région parisienne (Colombes, Hauts-de-Seine, France), entre 2004 et 2009. Sont livrées ici les traces écrites et dessinées de pratiquants et de non-pratiquants (les parents) en activités de combat. La finalité, dans un premier temps, était de faire réfléchir de jeunes judoka sur le sens donné à ce budo. Plus qu’un simple voyage littéraire qui permet toutefois un va-et-vient constant entre la pratique et la théorie, entre le faire et le dire, il s’agit en fait d’une réflexion poussée sur les valeurs citoyennes transmises lors de la pratique cadrée d’une activité de combat. Si l’on s’accorde à dire que «la seule chose qui permet à l’homme de vivre, c’est l’acte», j’ai pris le parti que de pouvoir dessiner, puis écrire ce que l’on vit facilite l’accès à la compréhension de l’acte. Cela est d’autant plus vrai s’il y a, ensuite, un retour par la parole. Cette mise en mots de nos actes favorise l’appropriation de notre existence et du sens que chacun lui donne. En posant pour postulat de départ que l’enseignement traditionnel d’une activité de combat renvoie à un art de vivre en harmonie, avec soi d’abord et, par voie de conséquences, avec autrui, il m’est apparu, au fil des années d’expérience de l’enseignement de différentes pratiques de combat, qu’une réflexion approfondie, presque intime, sur le code moral, qui régit notamment l’apprentissage du judo, s’avérait nécessaire pour faciliter le passage 90 Arts martiaux, sports de combat et interventions psychosociales du simple travail du corps à celui plus particulier propre aux sphères cognitives et sociales. Le code moral, quelle que soit l’activité de combat consid érée, n’est qu’un code mural, dès lors que l’on ne prend pas le temps d’y réfléchir, de le commenter, de se l’approprier. Cela me semble être une condition incontournable, si l’on veut inciter le pratiquant à actualiser, dans et hors le lieu de pratique, les valeurs morales, spirituelles et philosophiques transmises. Dans ce sens, les activités de combat peuvent être un apport possible, mais non exclusif, en regard de la socialisation, du bien- être des sujets (dans le sens d’une voie de développement personnel) et de la lutte contre les différents phénomènes de violence. Car, il s’agit bien de cela: utiliser l’activité de combat à des fins éducatives, parfois thérapeutiques , mais aussi, dans l’optique d’une politique de prise en charge plus globale, de prévention des conduites dites déviantes… L’activité de combat est intimement liée à la violence, dans le sens où elle la théâtralise, pour mieux l’apprivoiser, la rediriger dans des voies socialement plus acceptables. Dès lors, nous pouvons retenir trois registres fondamentaux sur lesquels l’activité de combat travaille et influe: le corps, l’autre et la mort. Le corps parce qu’il est le lieu privilégié de passage des affects et des émotions, devient, ici, un outil de pratique et de communication de tout premier ordre. Ce travail sur et avec le corps permet de se positionner par rapport à nos émotions, que l’on peut considérer, en se référant à ses racines latines du point de vue étymologique, comme «des mises en mouvement en direction de l’extérieur». Véritable signal homéostatique, l’émotion maîtrisée (notamment les émotions de base comme la peur, la colère ou la joie) permet de se dégager des situations conflictuelles, plutôt que de s’y engager. D’autant plus que l’émotion témoigne avec force des réactions qui sont les nôtres aux problèmes quotidiens, dans le combat de la vie humaine Cet autre, partenaire incontournable, étymologiquement «celui avec lequel on danse», incarne celui sans qui aucun progrès n’est possible. C’est un paradoxe, puisque nous nous situons, ici, dans une dynamique oppositionnelle … Mais, c’est de cette dynamique, consubstantielle à la pratique des activités de combat, que naît une...

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