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L’art extrême chinois et la biopolitique1 1 . Ce texte a paru antérieurement dans la revue Transtext(e)s Transcultures 跨文本跨文化, no 5, 2009, mis en ligne le 3 avril 2010, , sous le titre «Une constance à la chinoise: considérations sur l’art performatif extrême chinois» . Il est reproduit ici, dans une version remaniée, avec l’autorisation de la revue . QUÉBEC Erik BORDELEAU Erik Bordeleau () est chercheur postdoctoral au Département d’histoire de l’art et d’études en communications de l’Université McGill. Il a récemment complété un doctorat en littérature comparée à l’Université de Montréal sur le rapport entre anonymat et politique dans le cinéma et l’art contemporain chinois. Il collabore à diverses revues, dont Espai en blanc (Barcelone), Yishu: Journal of Contemporary Chinese Art (Vancouver), Chimères (Paris), Altérités, Inflexions, Horschamp , ESSE, ETC . et OVNI (Montréal). Pour civiliser l’esprit, il faut d’abord ensauvager le corps . Mao Zedong, Une étude de l’éducation physique (1917) Dans cet article, nous nous proposons de rendre compte de l’évolution fulgurante de l’art performatif chinois, depuis la moitié des années 1990 jusqu’au début des années 2000, période relativement brève mais qui en constitue sans doute l’apogée . La radicalité et le caractère extrêmement controversé de certaines des transgressions opérées par les performances dont nous allons discuter, transgressions qui plus est effectuées dans un contexte sociopolitique a priori réfractaire à ce genre de pratiques artistiques, en font 130 L’art extrême chinois et la biopolitique des objets d’analyse politique presque trop évidents . On peut aisément interpréter l’art performatif en Chine dans l’optique d’une expression directe du malaise politique régnant dans la Chine post-Tiananmen . Une tension nette s’établit alors entre les dispositifs de contrôle social et des performances-exutoires enracinées dans le monde de la vie, qui agissent comme une sorte de contre-effectuation émancipatrice de la violence étatique et son pouvoir d’extraction de vie nue . On pourrait dire que la puissance expressive de ces performances et leur potentiel d’émancipation propre résident dans leur capacité à exposer et à reproduire intentionnellement l’événement de cette violence, par la mise en danger (en survie) de corps dans lesquels elle s’est inexorablement disséminée . Cependant, vers la fin des années 1990, une nouvelle vague de performances compliquera les choses, ajoutant une dimension proprement biopolitique à la scène performative chinoise . Dans ce travail, nous essaierons d’élucider ce passage, en posant une distinction conceptuelle entre les performances dites du corps-soi et celles du corps-chair2 . Cette analyse de quelques-unes de ces performances extrêmes, dont plusieurs ont été sévèrement condamnées pour leur insupportable cruauté, s’insère dans une réflexion plus générale sur la nature de l’acte performatif et son inscription dans le contexte culturel chinois . Au fil de l’écriture, la question du rapport entre performance et politique s’est peu à peu constituée comme passage (particulièrement angoissant) sur la ligne de la forme de l’humain, suivant peut-être l’étonnement profond et maintes fois renouvelé que suscite le fait, à première vue banal, qu’en Chine, l’expression «art performatif» se traduit généralement par 行为艺术 (xingwei yishu), qui signifie quelque chose comme «art relatif au comportement» ou «art béhavioral» . (Précisons qu’ailleurs en Asie de l’Est, on traduit généralement par [xingdong yishu], littéralement action art .) L’idée de comportement renvoie directement à la tradition confucéenne, pour laquelle toute conduite individuelle comporte une dimension rituelle qui exprime une certaine position dans l’ordre social3 . En traduisant «performatif» par la notion de «comportement» ou de «conduite», les artistes chinois continentaux ont résolument signifié leur intention de confronter les règles régissant la conduite des corps dans l’espace public . Restant au plus près du mot xingwei, on pourrait 2 . Je reprends en approfondissant une distinction mise de l’avant par Thomas J . Berghuis dans Performance Art in China, Hong Kong, Timezone 8, 2006 . 3 . Pour plus de détails, voir Gao Minglu, «Private experiences and public happenings, the performance art of Zhang Huan», dans Pilgrimage to Santiago, 2000, , consulté le 5 avril 2010 . [18.116.8.110] Project MUSE (2024-04-25 07:12 GMT) 131 Erik B...

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