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La contraception dans les sociétés contemporaines est aujourd’hui au cœur de nombreux débats, tant sur le plan scientifique, politique, relationnel qu’individuel. Inscrites dans un mouvement global de médicalisation croissante de la société, la médicalisation et la pharmacologisation des processus de reproduction soulèvent des questions d’ordre éthique sur les limites de l’intervention biomédicale (Giami, 1998, 2000), notamment au regard de son extension dans le champ de l’intime et de son implication croissante dans la planification des naissances. Les découvertes scientifiques du xxe siècle sur le cycle ovulatoire de la femme et le rôle des hormones dans la reproduction ont en effet contribué non seulement, comme le note Chatel (1998, p. I), à faire entrer«la médecine scientifique dans le cercle intime du désir d’enfant», mais aussi, comme l’a montré Foucault (1976, p. 185), à assujettir «des phénom ènes de population aux processus économiques» dans une perspective de «contrôle des corps». En rendant possible une meilleure maîtrise de la fécondité, la contraception médicale est devenue le moyen permettant d’éviter des grossesses«non désirées» et de choisir le «bon moment» pour avoir ses enfants. Dans cette conception volontariste de l’arrivée d’un enfant, l’avortement, qui constitue selon Sohn (2006, p. 114) «un filet de secours» en cas d’accident contraceptif, a aussi contribué à renforcer l’idée que seules les grossesses planifiées sont «désirées». Pourtant, comme l’ont montré divers auteurs, le recours à un avortement n’est pas forcément associé à un non-désir d’enfant (Bachelot, 2002) et une grossesse non planifiée peut Présentation Laurence Charton Joseph Josy LÉVY 2 La contraception mener à la naissance d’un enfant attendu (Le Van, 1998). De plus, bien qu’on ait largement accès à l’information et aux méthodes contraceptives, le nombre d’avortements reste toujours très élevé dans un grand nombre de pays occidentaux (Bajos, Ferrand et l’équipe GINÉ, 2002), laissant à penser que les grossesses non désirées ne peuvent se réduire à une simple affaire de contraception. En pratique, les couples se retrouvent confrontés aujourd’hui au choix du bon moment pour «désirer» leur enfant et arrêter leur méthode contraceptive. La force du désir de procréer apparaît dès lors aussi puissante que celle du désir de ne pas procréer, menant de plus en plus de couples n’arrivant pas à avoir «l’enfant tant désiré» vers des techniques médicales d’assistance à la procréation (La Rochebrochard, 2008). Si des études ont déjà relevé que les femmes engagées dans un parcours médical d’aide à la procréation se sentent fréquemment «dépossédées» de leur corps, des interrogations demeurent quant à la manière dont le médical soutient et rationalise ce désir d’enfant et quant à ses implications éthiques et sociétales . À travers les choix contraceptifs et féconds qui relèvent, entre autres, d’une rationalisation des parcours de vie ainsi que d’une mécanisation et d’une technologisation de la reproduction, ce sont notamment le temps et l’espace naturel de la reproduction qui semblent ainsi être remis en cause, voire redessinés, et qui demandent à être étudiés. La médicalisation des processus de reproduction, en se focalisant essentiellement sur des méthodes contraceptives féminines, a aussi conduit les femmes, en les libérant d’un déterminisme biologique, à une surveillance médicale renforcée. Ainsi, l’entrée dans la sexualité est dorénavant souvent associée pour les femmes à la première visite chez un gynécologue et à la première prescription d’une pilule contraceptive. Elle se poursuit par un suivi médical rigoureux où tout événement de la vie reproductive s’appr éhende en actes médicalisés (moment où naît un désir d’enfant, grossesse, accouchement, espacement des naissances, ménopause; Quéniart, 1989; Guyon, 1996). Cette surveillance médicale accrue fait en sorte que les femmes se sentent aussi astreintes à la responsabilité de la procréation et sous le contrôle du médical. La manière dont les stratégies préventives entourent la reproduction ne donne toutefois pas l’impression qu’un contrôle social est exercé sur les femmes et les couples. Ce contrôle est en effet moins...

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