Minorités sexuelles, Internet et santé

Chapitre 4 - Les usages d'internet et le bien-être siciosexuel et psychologique des hommes homosexuels et bisexuels québécois

4 c h a p i t r e Les usages d’Internet et le bien-être sociosexuel et psychologique des hommes homosexuels et bisexuels québécois Joseph Josy Lévy Kim Engler Louis-Robert Frigault Alain Léobon Les technologies modernes comme Internet ont contribué de façon significative à la transformation des stratégies de communication, de transfert des connaissances et des modes d’établissement des liens sociaux. L’inter­ activité constante associée à l’accessibilité et à la rapidité d’accès aux ressources et aux outils disponibles sur les réseaux (sites, courriel, forum de discussion, webcam, etc.) ainsi que les avantages associés à l’anonymat ont favorisé l’adoption d’Internet par des segments de plus en plus larges de la population qui l’utilisent à des fins variées (s’informer, communiquer, se divertir, acheter et vendre, etc.). Plusieurs travaux se sont penchés sur 88 Minorités sexuelles, Internet et santé l’étude des répercussions des usages d’Internet sur les relations interpersonnelles et sexuelles, la qualité de vie et le bien-être psychologique et ils suggèrent qu’ils ont des effets paradoxaux, à la fois positifs et négatifs. Internet contribuerait ainsi à la formation de communautés virtuelles (Cooper, McLoughlin et Campbell, 2000; Wilson et Peterson, 2002) qui atténueraient les distances géographiques en mettant en contact des personnes confrontées à des problématiques diverses (d’ordre psychosocial et biomédical). La multiplication des forums de discussion est révélatrice de la segmentation du cyberespace et de sa place dans l’appropriation des informations dans le domaine de la santé et de la prévention, ce qui permet aux internautes de partager des points de vue et d’accéder à des ressources, à des savoirs et à des savoir-faire experts et populaires de même qu’à un réservoir d’expériences qui contribuent à la réflexion personnelle et collective (Foster et Roffe, 2009). Internet aiderait par ailleurs à dévelop­ per des réseaux interpersonnels et à atténuer l’isolement, à amplifier l’estime de soi, le bien-être et la qualité de vie, ainsi que la confiance en soi et la maîtrise sur son environnement (Leung et Lee, 2005; van Uden-Kraan et al., 2008). Il permettrait à des individus en quête de partenaires à des fins amoureuses, amicales ou sexuelles de faire des rencontres et de trouver l’âme sœur (Lévy et Pierrepont, 2009; Marquet et Janssen, 2009). Sur le plan de la santé, des études ont porté sur la qualité et la validité des informations transmises dans le cyberespace ainsi que sur les stratégies de recherche des informations qui pourraient contribuer à l’adoption de conduites à risque (Cline et Hayes, 2001; Benigeri et Pluye, 2003; Adams, de Bont et Berg, 2006). Certains remettent aussi en question la contribution d’Internet à la sociabilité, insistant au contraire sur l’isolement que son usage entraînerait (Morahan-Martin et Schumacher, 2003). Ce serait ainsi le cas de jeunes internautes qui réduiraient leurs activités ­ sociales et restreindraient les échanges avec leur famille ou leur entourage (Tarpley, 2001). L’usage problématique d’Internet prendrait deux formes (Davis, 2001), soit une forme généralisée (renvoyant à l’abus de plusieurs outils), soit une forme spécifique (liée à l’abus d’une fonction particulière). Pour d’autres auteurs, ces usages abusifs constitueraient en fait un nouveau désordre de type psychiatrique, le trouble de dépendance à Internet, qui renverrait à la cyberdépendance ou cybercompulsion, mais cette définition pathologique ne fait cependant pas l’unanimité (Yellowlees et Marks, 2007; Sergerie­­ et Lajoie, 2007; Griffiths, 2004; Lejoyeux, Romo et Adès, 2003). Ces Les usages d’Internet et le bien-être sociosexuel et psychologique 89 utilisations problématiques toucheraient un pourcentage important d’individus , entre 3,7% et 13% (Carnes, 2001; Griffith, 2001) et atténueraient des situations problématiques (stress, ennui, frustration, etc.; ­ Benschop, 2004), mais ils pourraient aussi contribuer à des crises majeures dans les relations professionnelles, interpersonnelles, maritales ou intergénérationnelles (­ Schneider, 2000; Sergerie et Lajoie, 2007). Plusieurs répercussions psychologiques accompagneraient ce type d’usage, comme l’isolement, le sentiment de détresse, les modifications de l’humeur et la présence d’affects intenses (Sergerie et Lajoie, 2007; Lejoyeux, Romo et Adès, 2001). Selon une méta-analyse, l’usage d’Internet aurait un léger effet négatif sur les mesures...