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CHAPITRE 6 Les mathématiques sont la matière reine d’un cursus scolaire. Peut-on imaginer un curriculum scolaire sans elles? Ne sont-elles pas essentielles à la vie? Elles sont généralement considérées comme un bagage indispensable, une culture incontournable que tout élève doit s’approprier. La mission de l’école traditionnelle est de transmettre des savoirs: certains savoirs ont plus d’importance que d’autres, notamment les savoirs mathématiques et les savoirs scientifiques – savoirs des sciences dites «dures» ou «exactes». L’enseignement des sciences – et des mathématiques – prétend souvent transmettre des « connaissances objectives , universelles et fondamentales » (Astolfi, 2005, p. 70). Cette vision de l’enseignement des mathématiques est questionnée dans ce chapitre. Les mathématiques sont omniprésentes dans la vie quotidienne. Achat, vente, déclaration de revenus, budget, pratique de sports, voyage, tests médicaux, agenda, constructions diverses… constituent autant d’activités situées qui se prêtent à une mathématisation. Plusieurs exemples d’activités situées comportant des aspects mathématiques ont été développés dans les chapitres précédents: notamment, le jeu du billard, la planification d’une randonnée à vélo, la prise de son pouls pendant une activité physique (chapitre 1) et la recherche de logement (chapitre 5). Le présent chapitre vise à expliciter les mathématiques situées dans la vie et dans les activités d’enseignement-apprentissage. Les connaissances mathématiques d’une personne sont analysées dans l’actualisation Place des mathématiques dans les composantes ASCAR de l’expérience 126 Apprendre par l’expérience active et située de l’expérience globale de la personne engagée dans une activité située. La conception des mathématiques est également traitée à la lumière des perspectives de la cognition située, des ethnomathématiques et bien sûr des composantes ASCAR de l’expérience située. Des mathématiques situées On retrouve des mathématiques implicites ou informelles chez les jeunes enfants d’âge préscolaire (Blevins-Knabe, 2008; Kamii, 1982) et les adultes analphabètes (Traoré et Bednarz, 2009; Dasen, Gajardo et Ngeng, 2005). Ainsi, sur le bord de l’eau, à l’île Maurice, un vendeur de collier de perles, qui se dit analphabète, discute avec moi des prix et fait des conversions des euros ou des dollars américains en roupies. Il ne sait ni lire ni écrire, mais se débrouille très bien en affaires. Un autre exemple est celui d’une mère de famille reconnue, dans son entourage, comme une cuisinière hors pair. Elle sait bien proportionner le sel, le poivre, la quantité de tomates, d’huile, bref un ensemble d’ingrédients qui se marient dans un plat. Elle fait tout cela à l’œil. Mais elle ne saurait communiquer, ni verbalement ni par écrit, une de ses recettes. La seule façon de s’approprier une de ses recettes est de l’accompagner pendant qu’elle cuisine. Dans ces deux exemples, les mathématiques sont bien présentes, mais elles demeurent implicites, cachées dans l’action dirait Schön (1994). Ni l’enfant ni l’adulte ne se présente dénué de ressources mathématiques lorsqu’il fait son entrée à l’école. À ce propos, Piaget (1936, 1937) voit une logique mathématique même dans l’action du bébé: le développement consiste à la faire émerger en la conceptualisant par la réflexion sur l’action. Dans son ouvrage Réussir et comprendre (1974), Piaget décrit un processus où le développement de l’action et sa réussite préc èdent toujours sa compréhension conceptuelle. En d’autres mots, l’action est orientée vers la réussite et non pas sur la construction explicite de connaissances. Un processus réflexif – la réflexion est pour Piaget une action qui porte sur une autre action – permet de tirer de l’action des connaissances logico-mathématiques. Piaget distingue les connaissances physiques qui sont construites directement en faisant l’expérience du monde et les connaissances logico-mathématiques qui sont construites par une réflexion sur l’action sur le monde. Les connaissances physiques concernent les propriétés des objets: forme, dureté, couleur, poids, etc. Les connaissances logico-mathématiques concernent les propriétés de l’action: par exemple, peu importe l’ordre dans lequel je compte (action) un ensemble d’objets...

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