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9 Temporalités et repères temporels dans la représentation d’un espace urbain Céline Verguet La représentation graphique des cartes cognitives a été privilégiée pour­ l’approche anthropologique de l’aménagement du quartier de la Libération à Nice. La superposition ou la mise en présence d’éléments signifiants symboliquement matérialis és dans ces cartes figure une organisation spatiale propre à chacun comme support de l’inscription du temps ou d’interpellations temporelles relatives à l’évolution du quartier, mais également à ses propres expériences dans cet espace. Ces références au temps et à différentes formes de temporalités sont révélatrices des peurs, des regrets et des désirs de chacun, donnant à saisir des images d’une citadinité idéalisée. La­ symbolisation de monuments «fantomatiques», bâtiments physiquement disparus mais«mémoriellement» prégnants, de formes bâties et espaces «en danger» ou en devenir, correspond à une patrimonialisation de cet espace urbain, en résonance avec la peur d’être alors «mémoriellement» démuni. La ville, phénomène de représentation 170«J’ai la carte de mon quartier dans la tête», déclare un habitant du quartier de la Libération à Nice. Cette remarque invite à explorer une forme d’espace intérieur: la représentation mentale d’un environnement urbain. Dans ce but, le choix d’outils techniques s’est arrêté sur l’entretien et la représentation graphique des cartes cognitives. L’association de ces deux outils d’investigation des représentations spatiales permet en effet de sortir d’une logique descriptive , évitant ainsi l’écueil de l’interprétation abusive de l’information issue des seules représentations à main levée. Cependant, travailler sur des cartes cognitives, c’est accepter de n’accéder que partiellement à l’expérience d’un individu d’un environnement spatial non pas donné mais ici nommé: le quartier de «la Libération». Certes, ce relevé est l’expression figurative de connaissances environnementales auparavant acquises, intérioris ées et travaillées par chacun des enquêtés. Toutefois, plusieurs niveaux de représentations entrent en jeu dans le processus de construction de la carte mentale et résultent de filtrages conduisant à des variations d’informations relatives à l’objet en question. L’effort du dessin agit comme le dernier filtre déformant entre la représentation mentale et la représentation graphique1. De la même façon, le discours tenu par chacun et venant étayer le dessin va participer de la mise en forme des représentations mentales2. Dès lors, il faut entendre par carte cognitive le produit – toujours provisoire – d’un processus mental par lequel les individus perçoivent, organisent et se représentent leur environnement spatial3. Reflétant des préoccupations fonctionnelles individuelles et collectives, elle fournit, suivant des formes de sélectivité, un cadre de référence qui permet d’inter­ préter les événements dans cet environnement observé, traversé, imaginé par chacun. Les individus ont l’occasion d’appréhender visuellement des configurations spatiales comme les scènes singulièrement présentes au sein de leur champ visuel à un moment donné. Ils font aussi l’expérience de l’espace grâce à leurs déplacements physiques, cet espace incluant à la fois des portions visibles et d’autres qui restent hors d’atteinte des perceptions visuelles4. 1. Comme le souligne Dan Sperber («L’étude anthropologique des représentations: probl èmes et perspectives», dans Denise Jodelet (dir.), Les représentations sociales, Presses universitaires de France, 1989, p. 118), «On ne peut en pratique, représenter le contenu d’une représentation qu’au moyen d’une autre représentation ayant un contenu similaire. On ne décrit pas le contenu d’une représentation, on la paraphrase, on la traduit, on la résume, on la développe, en un mot on l’interprète. Une interprétation, c’est la représentation d’une représentation par une autre en vertu d’une similarité de contenu.» 2. À ce sujet, Florence Rodhain (Peut-on approcher les représentations mentales grâce à la cartographie cognitive? Quand la cartographie cognitive construit ou re-construit la représentation mentale qu’elle modélise, [www.univ-montp2.fr/~crego/cahiers/12.pdf], p. 17) ajoute l’idée que, «au fur et à mesure que l’individu s’entend parler, il modifie sensiblement ou insensiblement ses représentations mentales». Elle souligne l’importance d’un principe...

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