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4 L’identité du bâti montréalais à l’aune de la continuité et de l’invention Le rôle fondateur d’André Corboz* Alena Prochazka Ce texte examine l’apport de la pensée d’André Corboz aux approches de la production de la ville soucieuses de la continuité du cadre bâti, sur le plan tant physique qu’idéel, telles qu’elles ont été formulées et pratiquées à Montréal. Le fondement théorique amorcé par Corboz déjà durant son séjour montréalais dans les années 1970 met de l’avant deux aspects de sa pensée. Premièrement, la valeur inventive comme principe d’une sorte d’intégration par stratification où chaque époque invente et superpose son expression, ses propres logiques. Deuxièmement, l’importance de la dimension idéelle de l’imaginaire territorial et, notamment, de l’identité urbaine. Au début des années 1990, quelques projets exemplaires se sont saisis de l’idée corbozéenne de la continuité à l’enseigne du renouvellement. Pour les architectes, les designers et les aménagistes soucieux de la continuité, cette posture sous-tend la prise en compte des traces et des mutations comme des éléments, des points d’appui et des stimulants de leur propre planification. La perspective corbozéenne permet aussi d’examiner le phénomène des mutations des idées collectives se rapportant à un territoire . Par exemple, celle de l’identité urbaine attribuée à un territoire vu comme un paysage idéel plutôt qu’un état de fait du bâti localisé géographiquement. * Ce texte a été élaboré avec l’appui financier de l’Université de Montréal. La ville, phénomène de représentation 64 À l’arrivée d’André Corboz au Québec en 1967, la rénovation urbaine à Montréal bat son plein: grands projets d’édi­ fices et d’infra­ structures s’imposent dans la ville existante , le dessein des décideurs étant de conférer à la ville un caractère de grande métropole internationale pour accueillir l’exposition universelle. Le projet de modernisation que pilote le maire Jean Drapeau depuis la fin des années 1950 conduit au déplacement du centre-ville de Montréal depuis la place Jacques-Cartier historique vers un lieu central moderne dorénavant assuré par la place Ville-Marie. Cette «place» n’en est pas une au sens convenu: elle est un réseau de galeries piétonnes souterraines que domine le gratte-ciel. Quel changement de paradigme de figure urbaine pour désigner le centre! ■ L’ère progressiste de la rénovation urbaine À l’aune de l’idéologie progressiste s’est formé le premier paradigme délibéré d’un imaginaire identitaire inscrit dans le bâti montréalais, c’est-à-dire un ensemble d’idées, d’images, de stratégies qui sont mises de l’avant pour construire une nouvelle identité urbaine de Montréal. Cependant, cette aventure héroïque qui entraîne la perte de plusieurs secteurs du tissu de la ville existante contribue, grâce aussi aux événements internationaux de l’Expo ’67 et des Jeux olympiques de 1976, à la prise de conscience du rôle touristique du Vieux-Montréal et, donc, de sa conservation. Mais, entre-temps, le Vieux-Montréal est aussi l’objet sinon de rénovation urbaine, du moins de spéculations en ce sens entourant son infrastructure et ses immeubles. Le quartier congestionné, perçu comme inefficace pour les activités commerciales qui s’y déroulent et désuet pour la vie résidentielle, donne matière à études au Service d’urbanisme municipal . Grâce à quelques visionnaires, le secteur échappe à la fièvre des démolitions que provoquent habituellement les projets de rénovation urbaine. Soulignons le rôle de Sandy Van Ginkel, un Hollandais qui s’établit à Montréal en 1957, enseigne brièvement à la McGill School of Architecture (1958) et fonde, avec son épouse Blanche Lemco, un bureau d’urbanisme. En 1960, ils reçoivent le mandat de faire une proposition visant à améliorer la circulation dans le Vieux-Montréal. Ils entreprennent alors ce qui est, à notre connaissance, la première étude comparative des étapes de l’évolution de son tissu urbain et les premiers relevés de l’état et des usages des bâtiments, des ­ places et des rues du quartier. Résultat: le projet de faire passer l’autostrade est-ouest...

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