L'institutionnalisation de l’éthique gouvernementale: Quelle place pour l’éthique?

Chapitre 1 - L’OCDE: de l’infrastructure de l’éthique à la gestion des risques éthiques

CHAPITRE 1 L’OCDE De l’infrastructure de l’éthique à la gestion des risques éthiques Yves Boisvert Professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique Lorsqu’on analyse les prises de position des responsables gouvernementaux en matière d’éthique, on constate qu’ils ne peuvent s’empêcher de se référer à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour justifier la nouvelle politique en éthique qu’ils avancent ou la nouvelle infrastructure qu’ils consolident. Au Québec, par exemple, le cadre d’analyse utilisé par le vérificateur général Guy Breton1 , au début des années 2000, reposait directement sur les prescriptions de l’OCDE. C’est par cette même référence que les hauts responsables de la bureaucratie québécoise d’alors, monsieur Jean St-Gelais et madame Diane Jean, lui avaient répondu lors de la Commission sur l’administration publique. 1. Rapport du Vérificateur général du Québec, tome 1, chapitre 3, «Éthique au sein de l’administration gouvernementale québécoise», 2000-2001. 12 L’institutionnalisation de l’éthique gouvernementale C’est justement parce que son influence a été très grande à travers son projet de développement des infrastructures en éthique gouvernementale québécoise et canadienne que nous allons effectuer une analyse des différentes propositions faites par l’OCDE dans le dossier de l’éthique et de la lutte à la corruption. Même si son apport n’est pas apprécié de la même façon par tous les analystes politiques, on ne peut pas nier que cette dernière a eu le courage de mettre de l’avant des propositions audacieuses en matière d’éthique gouvernementale et de lutte à la corruption. Elle n’a cesse de raffiner ses réflexions et de vérifier la portée opératoire de ses propositions. Les recommandations de l’OCDE ont eu un écho particulier dans les officines du pouvoir canadien, car c’est sous la gouverne du Québécois Donald J. Johnston que le virage de l’éthique a été pris par l’organisation non gouvernementale (ONG) parisienne. Ancien député libéral sous Pierre Elliott Trudeau, le Secrétaire général de l’OCDE a toujours été considéré comme un réformateur de gauche dans son parti, il n’est donc pas étonnant qu’il dirige cet organisme international avec la conviction que nos gouvernements doivent regagner la confiance des citoyens en témoignant de leurs convictions en matière de préservation de l’idéal de l’intérêt public. Cette référence à la posture de Johnston dans l’axe de gauche du PLC n’est pas anodine, car elle nous oblige à nuancer les préjugés de certains alter mondialistes qui accusent tous les organismes internationaux de développement économique d’être des nids à néolibéraux. Son successeur, le Mexicain Angel Gurria, demeure lié à cette philosophie générale qui pense que nos États restent des acteurs privilégiés dans le développement de nos sociétés contemporaines, d’où sa grande préoccupation quant à la gestion de l’intégrité des marchés publics et la promotion d’une culture de l’intégrité générale dans l’ensemble du service public. Ce chapitre sera structuré autour de trois axes constitués des grands chantiers de travail de l’OCDE: la lutte à la corruption; le développement des infrastructures de l’éthique gouvernementale; les stratégies d’intervention sur des problématiques particulières plus à risque. LA LUTTE À LA CORRUPTION Avant de s’intéresser au dossier de l’éthique des administrations et des services publics, l’OCDE s’est d’abord attaquée au phénomène de la corruption afin de faciliter le développement d’échanges économiques internationaux sains. L’OCDE définit la corruption comme «le fait d’offrir, de promettre ou d’octroyer quelque chose afin d’influencer L’OCDE: de l’infrastructure de l’éthique à la gestion des risques éthiques 13 un agent public dans l’exécution de ses fonctions officielles2». De façon plus précise, l’ONG laisse entendre que la corruption est un phénomène complexe qui a des «caractéristiques spécifiques, telles que l’usage abusif d’une fonction, de rôles ou des deniers publics...