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CHAPITRE 2 Modes de régulation de l’investissement minier au Canada Quelle ouverture à l’égard des positions autochtones? Une étude du projet Ekati dans les Territoires du Nord-Ouest MYRIAM LAFORCE ET JONATHAN TARDIF Première mine de diamants à être construite et exploitée au Canada, dans les Territoires du Nord-Ouest, le projet Ekati de la société BHP (à travers sa filiale BHP Diamonds Inc.)1 a fait l’objet, au début des années 1990, d’un processus d’autorisation d’une complexité et d’une envergure hors du commun. Lancé au moment où l’on assistait à l’institutionnalisation de nouvelles valeurs socioenvironnementales dans les politiques publiques concernant les activités minières pratiquées au pays (IMW, 1994; Ker, 1996, p. 2-3, 12), il a suscité l’intervention de divers acteurs aux intérêts multiples et donné lieu à la conclusion de six ententes novatrices négociées en marge du cadre réglementaire officiel. Les modes de régulation auxquels cet investissement a été assujetti à travers les importantes négociations menées à cette fin entre 1992 et 1998 ont non seulement représenté, aux yeux de plusieurs analystes,«le plus vaste [processus de régulation] observé à ce jour dans les [Territoires du Nord-Ouest]» (Witteman, Davis et Hanks, 1999, p. 11), mais également constitué un précédent notable pour des dizaines d’autres projets miniers qui allaient voir le jour au cours des années suivantes, et dont les promoteurs allaient chercher une insertion optimale dans le milieu social et environnemental concerné (Prno, 2007, p. 3; Couch, 2002, p. 265; Smillie, 2002, p. 16; Gibson, 2008, p. 138)2. 1. Qui prendra en 2001 le nom de BHP Billiton Diamonds Inc. après la fusion de BHP avec la compagnie Billiton sur laquelle nous reviendrons plus loin. 2. Point de vue qui ressort également d’entrevues réalisées le 9 juillet 2008 avec un représentant d’une organisation de la société civile canadienne impliquée dans les questions minières dans le Nord ainsi qu’avec un chercheur d’un institut de recherche canadien qui s’était intéressé au cas Ekati. Pouvoir et régulation dans le secteur minier 52 Nous nous intéresserons, dans cette étude de cas, aux processus politiques ayant conduit à l’adoption des ententes susmentionnées et, à travers l’analyse des rapports de pouvoir observés, au rôle conféré aux populations autochtones potentiellement touchées par le projet dans la détermination et l’opérationnalisation de ces modes de régulation. Sans vouloir sous-estimer l’importance des développements et des progrès observés depuis la fin des années 1990 en la matière, nous souhaitons nous pencher sur l’un des premiers cas modernes de négociations directes entre communautés autochtones et entreprise minière, tel que connu au Canada, afin de mettre en lumière les évolutions qui ont marqué cette période clé et dont l’influence se fait toujours sentir dans les processus similaires qui sont lancés dans d’autres régions du pays. Un nombre important de recherches publiées ces dernières années et ayant eu de telles questions pour objet se sont essentiellement concentrées sur la signature des ententes en elles-mêmes («the ‘‘winning’’ of agreements»), négligeant souvent les enjeux propres aux évolutions rencontrées dans le cadre de leur mise en œuvre, laissant ainsi croire à une optimalité des résultats à partir du moment où une entente était conclue (O’Faircheallaigh, cité par Gibson, 2008, p. 125). En nous appuyant sur le cadre théorique présenté dans le premier chapitre de cet ouvrage, nous choisissons de nous centrer sur les processus à l’œuvre plutôt que sur les résultats offerts par une structure de négociation, les derniers demeurant dans tous les cas largement influencés par les premiers. Dans cette optique et conformément à la démarche exposée dans le premier chapitre, nous nous intéresserons ici, dans un premier temps, à la structure de pouvoir précédant l’implantation du projet minier, telle qu’instituée entre le promoteur , les différentes instances gouvernementales, ainsi que les groupes autochtones concernés. Il s’agira d’abord de prendre la mesure du pouvoir structurel consenti aux populations autochtones dans le cadre du régime minier en place dans les Territoires du Nord-Ouest, et de comprendre ensuite la nature des identit...

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