In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Chapitre 5 Gestion de l’eau . ou aménagement de l’espace? La fonction hydrologique d’un territoire Luc Descroix Ce qui apparaît à nos yeux, c’est le Monde d’avant l’Homme […] Les eaux viennent de s’écarter et le temps de la sécheresse est advenu. Alejo Carpentier, Los pasos perdidos Peut-on dire qu’un espace est destiné à produire ou à retenir de l’eau pour alimenter ou, au contraire, protéger l’aval (ex.: zones d’inondation dans la vallée de la Saône, de la Loire, etc.). Autrement dit, peut-on destiner un territoire plus ou moins étendu à jouer un rôle hydrologique particulier? Dans certains cas, cela semble aller de soi, par exemple dans celui des zones de captage d’eau pour l’approvisionnement en eau potable des villes (il s’agit en général de petites surfaces). Mais peut-on demander à une commune périurbaine située en tête de bassin versant de geler son développement urbain et de limiter ou interdire son expansion pour ce qui est du plan d’occupation des sols, sous prétexte que son urbanisation risque de favoriser la formation de crues et d’inondations sur les communes situées en aval? 158 Eaux et territoires À plus petite échelle, peut-on demander à des régions situées dans la zone de montagne, en amont d’un bassin, de ne pas utiliser l’eau du haut-bassin, afin d’en laisser la disposition aux régions aval plus peuplées, qui en ont besoin pour l’irrigation, ainsi qu’il en est dans la Laguna, au nord du Mexique, par exemple? À plus petite échelle encore, peut-on demander à un pays de ne pas utiliser l’eau d’un bassin amont pour ne pas nuire aux activités des pays situés en aval (­ Éthiopie-Égypte, Turquie-Syrie Irak, États-Unis-Mexique, etc.)? Comme il y a 250 bassins majeurs qui sont à cheval sur plusieurs pays, il y a une multitude de cas où un pays dispose des sources d’un cours d’eau alors que d’autres sont concernés par les cours aval. Comme les zones amont sont, en général, sinon des zones de montagnes, du moins le plus souvent des secteurs peu peuplés1, elles sont à la fois les zones où les débits spécifiques (débit d’une rivière ramené à la superficie du bassin, en l/s/km2) sont les plus forts, où la qualité de l’eau est la meilleure (eaux non encore utilisées ou réchauffées ou polluées) et où la demande est la moins forte. D’où la position de force de pays «château d’eau» comme la Turquie, le Lesotho, le Népal, la Chine du Sud et le Tibet, l’Éthiopie, l’Ouganda et bien d’autres encore. Enfin, peut-on demander à un pays du Sud d’arrêter de déboiser ses massifs forestiers, parce qu’ils contribuent à l’équilibre climatique de la planète, quand les pays du Nord, et le plus pollueur de tous en particulier, refusent de restreindre leurs émissions de polluants qui menacent sûrement plus un équilibre climatique planétaire? Cela pose de manière incessante le problème du droit de l’eau entre le droit à l’antériorité («j’utilisais l’eau avant vous donc je continue») ou le droit du territoire («de l’eau sourd ou coule dans notre pays, pourquoi en laisser à ceux d’aval?»), et­ l’importance des traités, quand ils existent. Quoi qu’il en soit, comme le remarque Moral2 (2001) la gestion de l’eau est indissociable de celle du territoire, et les problèmes de gestion de l’eau sont avant tout des problèmes d’aménagement du territoire; et cet auteur de citer Alfred Baron, un responsable du plan hydrologique des Baléares: Techniquement, tout peut se résoudre: s’il manque de l’eau, on peut construire de nouvelles usines de dessalement d’eau de mer, et s’il manque de l’énergie pour les faire fonctionner, on peut construire de nouvelles structures [...], mais ce que l’on ne peut élargir, c’est le territoire [...]; donc, on peut dire qu’il n’y a pas de problème d’eau ou d’énergie; ce qu’il y a, c’est un problème d’aménagement du territoire. 1. Marq de Villiers, L’eau, Actes Sud, Paris, 2000. 2. Leandro del...

Share