In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Chapitre 3 Le droit international . règlera-t-il les litiges? Frédéric Lasserre Les bergers de Guérar entrèrent en contestation avec les bergers d’Isaac en leur disant: «Cette eau est à nous.» Genèse 26:20 Et informe-les que l’eau sera partagée entre eux. Le Coran, Sourate 54:28 1. Un droit international encore très flou La diversité des situations potentiellement conflictuelles au sujet du partage de l’eau implique qu’il est difficile d’élaborer un mécanisme général de résolution de ce type de dispute, et ce d’autant plus que le droit international est, à ce sujet, flou et peu homogène. De nombreux traités et conventions existent pour réguler et régir les usages des cours d’eau entre pays riverains; un index préparé par la FAO en recensait plus de 2000 en 19781. Cependant, en cas de conflit, le droit international n’est pas d’un grand recours car diverses doctrines s’opposent. 1. «Systematic index of international water ressources treaties», Legislative Study, no 15, Food and Agriculture Administration, Rome, 1978. 122 Eaux et territoires Ces nombreux corps de doctrine tentent de définir les droits qui régissent l’usage des cours d’eau. Il ressort que ces doctrines favorisent souvent le pays concepteur de chaque théorie, comme l’Égypte qui préfère la doctrine de l’intégrité territoriale, selon laquelle le pays d’aval a un droit imprescriptible à un débit fixe. Toutes ces doctrines ont comme point commun de tenter de définir l’appropriation d’une ressource par définition mouvante. Malgré les efforts de certains États pour tenter de résoudre les différends et d’établir une réelle coopération, il semble que la représentation fondamentale des gouvernements soit que l’eau est une ressource du territoire, et donc que la souveraineté territoriale doit s’exercer sur elle en toute indépendance: à l’instar des gisements de minerais, elle fait partie du patrimoine du territoire, même si les cours d’eau le traversent sans s’y arrêter – d’où la difficulté de trouver un terrain d’entente sur la façon de les partager. 1.1. La souveraineté territoriale absolue Pour ne citer qu’un exemple, lorsque les États-Unis, à la fin du xixe siècle, commenc èrent la mise en valeur agricole du sud-ouest, ils se mirent à dériver le cours du Colorado afin d’irriguer les terres. En 1895, le Mexique protesta officiellement, rappelant que les droits d’usage des agriculteurs mexicains en aval étaient beaucoup plus anciens que ceux des Américains. Le gouvernement américain conçut alors la doctrine Harmon, du nom du juge Judson Harmon, chargé d’élaborer la position officielle des États-Unis, et selon laquelle «le principe fondamental du droit international est la souveraineté absolue de chaque État, par opposition à tous les autres, sur son territoire. La juridiction de l’État sur son propre territoire est nécessairement exclusive et absolue. Ses seules limites sont celles qu’il s’impose lui-même2.» L’État est donc libre d’employer l’eau qui se trouve sur son territoire comme bon lui semble: la ressource n’est pas du tout conçue comme commune3. Cette doctrine de la souveraineté territoriale absolue sur le territoire et ses ressources est encore implicitement invoquée de nos jours par la Turquie et le Tadjikistan notamment, ce dernier envisageant même de facturer son voisin en aval, l’Ouzbékistan, pour l’eau du Syr Daria et de l’Amou Daria qui ­ traversent son territoire4. 2. Mutoy Mubiala, L’évolution du droit des cours d’eau internationaux à la lumière de l’expérience africaine, notamment dans le bassin du Congo/Zaïre, Presses universitaires de France, Paris, 1995, p. 19. 3. David Lazerwitz, «The flow of international water law: The international law commission’s law of the non-navigational uses of international watercourses», Indiana Journal of Global Legal Studies, vol. 1, no 1, 1993, p. 15. 4. The Economist, 4 juillet 1998. [3.137.178.133] Project MUSE (2024-04-26 15:58 GMT) Le droit international règlera-t-il les litiges? 123 1.2. L’intégrité territoriale absolue Symétrique du principe de souveraineté territoriale absolue, celui d’intégrité territoriale absolue précise que chaque État doit permettre aux cours d’eau de poursuivre leur cours; ils ne peuvent en...

Share