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C H A P I T R E 1 JEAN-PIERRE ASTOLFI Université.de.Rouen l’école et les savoirs face à la coéDucation RéSU mé Au cours de la dernière décennie , le marché du travail s’est profondément transformé. En effet, les exigences de qualification , donc de formation induite, n’ont sans doute jamais été aussi élevées. Il lui est ainsi de plus en plus difficile de résorber un échec scolaire, pourtant en net recul au regard des années 1980. L’évidence de ce dernier ne peut désormais échapper à personne, ni à l’institution (ministère, enseignants, etc.), ni aux usagers de l’école, en l’occurrence les élèves et leurs parents, augmentant ainsi une pression déjà forte. Quelles tendances se dessinent et quelle sera dans les années à venir la distribution des rôles entre école et coéducation? Ne risquons-nous pas d’assister à une externalisation de l’échec scolaire vers la coéducation avec un recentrage de l’école sur les bons élèves?  De nouvelles configurations éducatives L’idée d’échec scolaire est devenue un leitmotiv qui surdétermine les questions d’éducation, mais il recouvre un peu tout et n’importe quoi. Or, de la difficulté localisée à la difficulté globale, de l’échec au refus scolaire, tout n’est pas équivalent. Comme la notion d’illettrisme, c’est une construction sociale. On pourrait employer à son propos la formule d’Anne-Marie Chartier: un objet fuyant, indéterminé dans sa nature, surdéterminé dans ses manifestations. Qu’est-ce qui justifie une telle affirmation? D’abord, que l’idée d’échec est récente, ne remontant qu’aux années 1970. Auparavant, il y avait sans doute davantage d’échec qu’aujourd’hui, puisqu’un faible pourcentage d’élèves atteignait le secondaire, mais on n’en parlait pas en ces termes. On admettait sans s’en scandaliser que les élèves aient une plus ou moins grande facilité pour les études, soient plus ou moins «doués». Sans doute parce que ceux qui ne réussissaient pas pouvaient trouver malgré tout un emploi adapté à leurs possibilités. Ce qui a modifié la perception sociétale de l’échec scolaire, c’est le fabuleux succès de la sociologie de la reproduction . La prégnance de l’idéologie des dons a pu être dénoncée et l’importance de l’influence sociofamiliale, mise en évidence. Du coup, le fait que certains échouent est apparu injuste et insupportable. Cette prise de conscience est en soi une bonne chose, mais elle a conduit à en oublier une autre, tout aussi importante: que l’idée d’échec scolaire est le corollaire des efforts de démocratisation de l’enseignement. Si précédemment, on n’en parlait guère, c’est que la sélection précoce faisait disparaître les élèves faibles de la vue des professeurs et de leurs préoccupations, et donc d’un traitement pédagogique adapté. Maintenant, ils sont là et provoquent facilement une nostalgie de «l’entre soi». Parler d’échec scolaire témoigne d’abord des difficultés à assumer cette situation nouvelle, avec l’inconfort professionnel qu’il occasionne. L’hétérogénéité des classes, qui est trop immédiatement vécue comme un problème à réduire, est à la vérité une condition nécessaire pour assurer la réussite du plus grand nombre. À cela il faut ajouter au moins trois autres éléments. Le premier est la cécité sur le fait que le niveau ne cesse de s’élever, pour ne pas dire sa dénégation professionnelle. Le deuxième est que l’échec (tout comme l’illettrisme) est constamment redéfini, et que même les progrès obtenus conduisent à considérer comme étant en échec (ou comme illettrées) des populations qui n’étaient pas identifiées de cette façon dans la période précédente (Chartier et Hébrard, 1990). Et puis, troisième élément, on connaît ce qu’Antibi (2003) a appelé la «constante macabre». Quels que soient la classe, la localisation géographique ou le milieu social, il y a toujours un tiers des élèves dont on dit qu’ils n’ont pas le niveau! Imaginons qu’on exclut ce tiers, il s’en reconstituera rapidement un nouveau avec l’effectif restant… On connaît le cas limite des classes...

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