Les relations publiques dans une société en mouvance - 4e édition

Chapitre 10 - Quelle éthique pour les relations publiques ?

c h A p i t r e 10 quelle Éthique pour les relAtions publiques? Ritha Cossette, Ph.D. C’est parce que la communication, sous toutes ses formes, n’est pas un aimable cataplasme posé sur une réalité sociale, ni un narcotique plus ou moins subtil qui anesthésie les revendications des citoyens-consommateurs, qu’elle a cet impact critique. Dans la durée, c’est un formidable accélérateur de conscience critique. Dès que l’on voit, et que l’on peut faire des comparaisons, l’esprit critique travaille, à tous les niveaux de la vie personnelle, à toutes les échelles de la société. C’est pourquoi la communication, en dépit de ceux qui souhaitent la cantonner à sa dimension fonctionnelle, est en réalité un processus dangereux parce que catalyseur de prises de conscience. Communiquer fait penser. (Wolton, Sauver la communication, 2005, p. 110.)  Les relations publiques dans une société en mouvance Heureux qui communique! Croyance naïve s’il en est une, tant il est vrai que le phénomène de la communication est loin d’être aussi radieux que nous le souhaiterions. Difficile communication en effet, que nous cherchions à l’établir dans nos relations les plus intimes – familiales, amicales ou amoureuses –, en milieu de travail, dans le domaine privé ou dans l’espace public, entre les cultures ou entre les nations. Phénom ène fondamental et structurant, la communication est partout agissante . C’est elle qui, jouant sur tous les registres possibles, donne à l’échange social ses infinis reliefs et sa physionomie propre: parole pour exprimer, parole pour informer, parole pour simplement soigner la relation , parole pour prescrire et engager l’action. Belle parole aussi, stylisée et poétique. Parole vitale, enfin, pour qui veut connaître, s’expliquer, comprendre et se comprendre. Phénoménale communication! Tout le monde social coïncide, en fait, avec le système de communication , celui-là porteur de normes et de valeurs, de rituels et de schémas relationnels. Une phénoménologie de la communication indique d’ailleurs assez jusqu’à quel point celle-ci participe d’une interminable quête identitaire et de l’établissement anthropologiquement nécessaire de la juste distance (Arendt, 1983). Aussi le phénomène est-il appréhendé par les sciences humaines depuis différents modèles et suivant différentes logiques. La logique linéaire du modèle télégraphique, la communication comme processus d’influence, la forme plus standardisée du modèle marketing, puis tous les autres modèles pensant la communication en termes de transaction, d’interaction ou de processus. Autant de tentatives théoriques pour comprendre sa logique propre et ses ressorts internes. Si totale et si globale, d’ailleurs, que nous parlons aujourd’hui de la communicationmonde . Parler, écouter, répondre, interroger, qui peut aujourd’hui faire l’économie d’une compétence communicationnelle? Reste que les limites intrinsèques du langage – les mots manquent pour dire la complexité du monde – et l’ambiguïté indépassable des messages, l’incompréhension et les malentendus, la mauvaise foi, les tromperies et les manipulations sournoises toujours menaceront la qualité et la pérennité des relations. Aussi, n’est-il pas étonnant de voir apparaître, ici et là, des démarches thérapeutiques et pédagogiques pour protéger la vie toujours fragile et incertaine du dialogue (Salomé, 1993). L’écologie relationnelle est, à n’en point douter, vouée à une prestigieuse carrière! Chapitre 10 v Quelle éthique pour les relations publiques? 9 Notre intérêt pour la communication ne portera pas tant cependant sur les différentes théories explicatives de la communication1 que sur les enjeux et les exigences éthiques liés à la communication publique, plus précisément, à la communication propre aux relations publiques. La question centrale de ce chapitre Quelle éthique pour les relations publiques? sera abordée, dans un premier temps, sous l’angle du principe logique qui lie citoyenneté démocratique et relations publiques. Nous mettrons alors en relief leur importance et leur fonction spécifique, eu égard aux valeurs et à la complexité des sociétés démocratiques. Nous croyons par ailleurs utile de rappeler, quoique brièvement, ce qu’il en est de l’exigence éthique, des principes et de la spécificité du domaine de l’éthique. Ce détour plutôt théorique s’explique par une profonde...