Passages et mers arctiques: Géopolitique d’une région en mutation

Chapitre 10 – Risques, vulnérabilités et enjeux environnementaux induits par la navigation dans l’Arctique canadien

Chapitre 10 Risques,.vulnérabilités.. et.enjeux.environnementaux.. induits.par.la.navigation.. dans.l’arctique.canadien sophie.dupré En dépit de toute croyance, le transport maritime du pétrole n’est pas récent: au viie siècle avant J.-C., les Grecs s’en servaient déjà comme arme à bord de «bateaux à feux»… Utilisé comme ressource et transporté localement dès le xviiie siècle, puis davantage dès le xixe siècle avec les traversées transatlantiques, le pétrole constitue aujourd’hui une part notable du trafic maritime mondial: 0% du pétrole brut consommé dans le monde utilise la voie maritime. La maritimisation importante de cette . Carroué, L. (2000). «Sous la marée noire… les profits. Ces espaces hors la loi du transport maritime », Le Monde diplomatique, février, .  Passages et mers arctiques marchandise découle sans conteste de l’éloignement géographique entre les principaux lieux de production et ceux de consommation. La pollution par le pétrole représente % de la pollution des mers et océans. Elle peut résulter d’actes volontaires, tels le dégazage et le déballastage – qui représentent la majorité de cette pollution – ou d’actes involontaires : il s’agit alors de catastrophes comme les marées noires. Les causes de ces accidents découlent des risques inhérents à la navigation et du pilotage en région côtière, des conditions météorologiques qui peuvent être responsables de croisements et de collisions, et, enfin, du facteur humain: défaut de veille, absence de qualification, méconnaissance ou nonrespect des règles de circulation en mer2. Dans le contexte actuel de la fonte des glaces, l’augmentation de la navigation dans l’Arctique canadien pose la question du risque qu’elle suscite. En effet, le risque, défini comme le «produit de l’aléa et de la vulnérabilité » existe dans l’Arctique en raison de la navigation croissante et des bouleversements liés à la fonte des glaces. L’aléa désigne la «probabilité d’occurrence du phénomène […] L’aléa est en effet fonction de l’intensité du phénomène, de son occurrence, mais aussi de la durée considérée, et de l’espace pris en compte. […] Le terme d’aléa est donc bien défini par une probabilité qui prend en compte deux caractéristiques, l’occurrence et l’intensité du phénomène considéré.» Quant à la vulnérabilité, elle suscite deux types de définitions; la première, dite analytique, est plus ancienne que l’autre, caractérisée de synthétique. «La vulnérabilit é, au sens le plus large, exprime le niveau de conséquences prévisibles d’un phénomène naturel sur les enjeux.» Dauphiné précise que les enjeux, soit les domaines touchés par le risque, les hommes, leurs biens et les milieux dans lesquels ils vivent, peuvent être décomposés finement pour être analysés. Mais, comme le spécifie D’Ercole6, en plus de cette approche classique, une deuxième considère la vulnérabilité des sociétés sous l’angle de leurs capacités de réponse à des crises potentielles. Cette seconde vuln érabilité, synthétique, prend en compte le système et ses déficiences de manière globale et intègre la capacité de faire face à la crise générée par un aléa. Or, selon Dauphiné,«[p]our surmonter une crise, deux solutions existent. La première est une forme de 2. Pelletier, S. (2006). «Adaptation du transport maritime des hydrocarbures dans une perspective de développement durable », 7e Congrès de l’ACFAS, atelier « Transport maritime et développement durable», 8 mai 2006. . Dauphiné, A. (200). Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, gérer, Paris, Armand Colin, 288 p. . Dauphiné, A. (200). Op. cit., p. 7 . Ministère de l’Aménagement et de l’Environnement français, dans Dauphiné, A. (200). Op. cit. 6. D’Ercole, R. (99). «Mesurer le risque. Le volcan Cotopaxi», dans CHAM’S, Enseigner les risques naturels. Pour une géographie physique revisitée, Paris, Montpellier, Anthropos, GIP Reclus, p. -0. Risques, vulnérabilités et enjeux environnementaux induits par la navigation  résistance, tandis que la seconde est qualifiée de résilience, soit “la capacité d’un écosystème à accepter le changement, à persister au-delà d...