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Chapitre 8 – La compréhension des émotions à l’école: émotions impensables et empathie
- Presses de l'Université du Québec
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C H A P I T R E 8La compréhension des émotions à l’école Émotions impensables et empathie Denise Curchod-Ruedi Haute école pédagogique Lausanne denise.curchod@hepl.ch Pierre-André Doudin Université de Lausanne et Haute école pédagogique Lausanne pierre-andre.doudin@hepl.ch Jean Moreau Unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques, Lausanne jean.moreau@unil.ch [3.144.31.175] Project MUSE (2024-04-18 00:58 GMT) La compréhension des émotions à l’école: émotions impensables et empathie 149 Dans ce chapitre, nous nous intéressons au statut de diverses émotions des professionnels dans le champ scolaire et à la manière dont elles peuvent être pensées . Nous examinons la dimension qui va de l’empathie à la déshumanisation de la relation au regard du lien entre violence, compréhension des émotions et troubles de l’humeur . Puis nous nous attachons à différencier les émotions selon l’acceptation sociale dont elles font l’objet ou la menace qu’elles peuvent représenter pour l’élève ou pour l’enseignant et l’enseignante . Ces distinctions devraient permettre de dégager des pistes quant à la formation des enseignants relativement à la compréhension et à la régulation des émotions en tentant de mettre en évidence une démarche cognitive favorable à l’appréhension professionnelle du domaine affectif . L’aspect relationnel de la construction des savoirs, les questionnements quant au climat scolaire susceptible de favoriser la santé communautaire , l’intégration des élèves en difficulté et la prise en compte de la violence incitent l’école à porter une attention accrue au développement de compétences psychosociales des élèves (Assor, Kaplan, Kanat-Maymon et Roth, 2005; Masserey, 2006) . La capacité d’interagir avec leurs pairs et avec leurs enseignants ou enseignantes, l’intégration de valeurs et de règles relationnelles, la compétence à comprendre, gérer et réguler des émotions pénibles (colère, peur, etc .), à gérer les conflits interpersonnels participent à la qualité de l’intégration scolaire des élèves . 1. Compétences relationnelles et émotionnelles La construction de compétences relationnelles et émotionnelles constitue l’une des missions de l’école dans sa dimension de socialisation des élèves . C’est ainsi que l’école en est venue progressivement à s’intéresser à la compréhension et à la régulation des émotions émergeant au cours de multiples situations interactionnelles qui s’y tissent . Cela suppose que le développement de compétences émotionnelles soit pris en compte dans la formation des enseignants et des enseignantes . Plusieurs recherches sur la régulation et la compréhension des émotions à l’école portent sur les élèves (pour une synthèse, voir Pons, Doudin et Harris, 2004; Pons, Doudin, Harris et de Rosnay, 2002) . Selon Saarni (1999), l’expérience émotionnelle des enseignants et enseignantes aurait une incidence directe sur la qualité des apprentissages et sur l’expérience relationnelle des élèves . Cette auteure a identifié les compétences que les professionnels de l’enseignement devraient 150 Approches affectives, métacognitives et cognitives de la compréhension pouvoir construire, comme la conscience de leurs propres émotions, la reconnaissance et la compréhension des émotions des autres (élèves, parents, collègues, direction, etc .), la capacité d’empathie et la capacité de gérer ses émotions . Lafortune (2005) précise que ces compétences devraient faire partie intégrante des compétences professionnelles et être développées dans toute formation à l’enseignement . Doudin et Curchod-Ruedi (2008a) ont étudié les liens entre la compréhension et la régulation des émotions dans une situation de violence à l’école et les risques d’épuisement professionnel . Aborder la compréhension des émotions en formation initiale ou continue peut susciter des émotions et des réactions vives et contrast ées . En effet, notre expérience auprès d’enseignants et enseignantes en formation initiale ou continue nous apprend que cette réflexion peut provoquer des rejets par crainte de «psychologiser» (Leyens, 1995) la relation pédagogique, de s’ingérer dans l’intimité d’autrui ou encore d’être pris dans des situations dramatiques sans avoir les moyens de les maîtriser . Au contraire, d’autres professionnels de l’enseignement ont tendance à octroyer aux émotions une place si fondamentale qu’elle prend le pas sur la mission première de l’école dont l’objet est la construction des savoirs . Le risque est alors de nourrir un discours excessivement sentimental o...