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Première préface Jean-Robert Turcotte, M.D. C’est avec plaisir que j’ai accepté de participer à la rédaction de la préface de ce livre parce qu’il aborde un sujet brûlant de la pratique médicale. En effet, comme tous mes collègues cliniciens qui traitent des patients en santé mentale, je ne peux que constater la montée effarante des problèmes d’invalidit é reliés à la santé mentale au travail et notre difficulté à y faire face. Nous comprenons mal ces problèmes et nous sommes à la recherche d’outils qui nous aideraient à améliorer notre pratique. Plusieurs de nos patients parmi les plus âgés se plaignent du fait que le travail est devenu pour eux une importante source d’angoisse. Parmi eux, certains souffrent manifestement d’un trouble anxieux ou dépressif qui les rend momentanément inaptes à continuer leur emploi; il faut les traiter. Pour d’autres, il n’y a pas de diagnostic clair, mais on a l’impression que le milieu de travail est devenu tellement toxique pour eux qu’ils ne pourront plus le supporter encore longtemps. Dans les deux cas, notre premier réflexe est de retirer momentanément le patient de son travail. Ce geste, d’apparence anodine, convient bien au travailleur qui, quand ça ne va pas, vient se«chercher un billet médical». Le bureau du médecin devient donc la porte de sortie du travailleur lorsque celui-ci n’arrive plus à fonctionner ou lorsqu’il veut éviter d’aggraver sa situation. Le travailleur reçoit le même traitement que les autres patients, un traitement généralement axé sur la maladie. La plupart du temps, on lui prescrit des antidépresseurs et, parfois, on le dirige en psychothérapie. Si le travailleur consulte rapidement et que le milieu de travail est soutenant, de façon assez surprenante, l’invalidité restera courte même en présence d’un VIII l Du trouble mental à l’incapacité au travail problème relativement grave, comme une dépression majeure. Malheureusement , il arrive souvent que le problème de santé ne soit pas détecté précocement ou que le milieu de travail soit franchement pathogène. Pour ces travailleurs, l’approche traditionnelle ne fonctionne pas et le bureau du médecin devient un endroit de refuge, une voie d’évitement où rien ne bouge. On s’engage alors dans une longue invalidité qui vient gonfler des statistiques déjà très inquiétantes. Ce sont certainement les médecins de famille qui font le plus souvent face à ce phénomène. Il ne se passe pas une journée sans qu’on leur demande de signer un certificat d’invalidité au travail. Se sentant mal préparés, beaucoup d’entre eux tentent d’éviter comme la peste tout ce qui ressemble à un formulaire d’invalidité. Toutefois, le médecin ne peut pas toujours y échapper parce que le monde des assureurs et des employeurs exige un certificat en cas d’invalidité. Sans qu’il le veuille, sans véritables outils de travail, le médecin se voit confier l’entière responsabilité de retirer le travailleur de son emploi et, plus tard, de l’y retourner. En soi, le fait de signer l’arrêt de travail ne pose généralement pas de problème. Il permet même au médecin de renforcer son lien de confiance avec son patient en lui transmettant le message qu’il est écouté. Par contre, le médecin sait bien qu’il devra un jour «prescrire» un retour au travail. Ce parcours entre l’arrêt et le retour au travail est malheureusement parsemé de beaucoup d’irritants qui mettent la relation médecin-patient à rude épreuve. Le médecin a l’impression qu’il n’y a que deux possibilités: protéger le travailleur en le gardant en invalidité, à l’encontre du souhait des assureurs ; ou le retourner au travail, à l’encontre du désir de son patient. Il s’agit d’une décision difficile qui aura des répercussions non seulement sur la vie professionnelle, mais aussi sur la santé mentale de son patient. Paradoxalement , même si on lui demande d’assumer cette décision, le médecin n’a pratiquement aucune formation en santé au travail. Durant sa formation, le médecin n’aura été que sporadiquement mis en contact avec une littérature médicale qui lui a...

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