In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

CHAPitRE 7 La question de la privatisation Nous avons décrit l’histoire de la gouvernance d’Hydro­Québec pour montrer combien la performance d’une firme dépend de la qualité de sa gouvernance. Lorsque les pouvoirs des différents acteurs de la firme, pro­ priétaires et dirigeants notamment, sont vagues, confus et sujets à modi­ fication intempestive, il y a problème. L’écueil que rencontre une société d’État est généralement celui de la politisation des rapports, qui pousse les acteurs à s’entendre parfois au détriment du bon fonctionnement de l’entreprise, des services qu’elle rend et de la valeur qu’elle crée. La gouvernance, lorsqu’elle est bien conçue, rend le problème de la propriété caduque. Il en a été question tout au long de ce livre et en par­ ticulier dans le cas d’Hydro­Québec. Cette entreprise a évolué de manière exemplaire. Dans l’ensemble, comme nous l’avons montré au chapitre 2, elle a réussi à maintenir une performance sur une longue période qui se compare favorablement aux meilleurs acteurs de son industrie. 160 Société d’État? Pourquoi pas? La gouvernance d’une entreprise, surtout lorsqu’elle est complexe, n’est cependant pas seulement une question technique de design ou d’ingénierie organisationnelle. C’est un construit social qui est le produit de l’expérience sociale et économique des communautés concernées. Dans le cas d’Hydro­Québec, les chapitres 3 et 4 décrivent cette expérience sociale; ils montrent comment les acteurs du gouvernement québécois et ceux de l’entreprise ont historiquement fait preuve d’une certaine sagesse qui a préservé la capacité d’action de l’entreprise et, ultimement, l’intérêt de toute la population québécoise. L’expérience sociale est une construction qui n’est pas de tout repos. Les intérêts s’entrechoquent et les idées sont en confrontation constante. Le comportement «écologique», vertueux dans le cas d’Hydro­Québec, a cependant permis que seules les idées et les intérêts ayant le plus de valeur pour la société dans son ensemble survivent. Cette longue histoire a connu ses victoires et beaucoup de défaites. Ainsi, la création du conseil d’administration a été une victoire de la modernité sur la structure archaïque de la Commission hydroélectrique. Mais elle a également infligé une défaite amère à tous ceux qui se sont passionnés pour cette entreprise «auto­ nome » capable de résister à l’État pour le bien de tous. La période Coulombe a ainsi intégré une entreprise aux multiples développements divergents, mais au prix de tensions internes menant éventuellement à une qualité déficiente. Il a fallu une dizaine d’années d’efforts pour remettre l’entreprise en selle et lui faire faire les progrès qui en font aujourd’hui un acteur majeur dans l’industrie de l’énergie en Amérique du Nord. L’expérience sociale est difficile et ses hauts et ses bas sont éprouvants pour les acteurs. Cependant, lorsqu’elle est vertueuse, elle débouche sur des apprentissages durables qui permettent à la société dans son ensemble de progresser. Les tentatives périodiques de l’État actionnaire de contrôler opérationnellement l’entreprise ont montré que l’État n’est pas fait pour gérer directement, selon sa propre logique, une entreprise purement commerciale. Les difficultés qu’il a générées pour Hydro­Québec ont amené des révisions salutaires qui ont permis des sauts qualitatifs majeurs, en particulier la participation au marché libre de l’électricité. La gouvernance d’Hydro­Québec s’est construite dans l’épreuve, mais elle est fonctionnelle. Elle permet à l’entreprise et à l’État d’équilibrer les intérêts économiques et les obligations sociales de manière pragma­ tique, en cherchant les meilleures solutions possibles. La création de la Régie de l’énergie ajoute un tiers acteur qui facilite la recherche de l’équi­ libre. Les conflits ne sont pas éliminés, mais les mécanismes mis en place permettent d’en articuler les dimensions et de construire le dialogue requis pour y faire face. [3.146.35.203] Project MUSE (2024-04-25 08:00 GMT) La question de la privatisation 161 La gouvernance est donc le vrai nerf de...

Share