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Moraliste ou arbitre? Le rôle de l’enseignant dans l’éducation au dialogue
- Presses de l'Université du Québec
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moraliste ou arbitre? Le rôle de l’enseignant dans l’éducation au dialogue Pascal soligNac enseignant cégep marie-Victorin 13 – Penser le dialogue en éducation éthique résumé Le dialogue peut-il être enseigné dans le cadre scolaire ou s’expose-t-il à rester un «endoctrinement doux» administré par l’enseignant? Pour tenter de répondre à cette question, ce texte étudiera deux modèles possibles du rôle de l’enseignant dans l’éducation au dialogue, soit l’enseignant moraliste et l’enseignant arbitre. La démarche envisagée, d’une part, articulera l’analyse de la question et, d’autre part, proposera la synthèse des modèles concernés en vue de résoudre ce qui semble revêtir les traits d’une antinomie entre dialogue et enseignement. [52.90.211.141] Project MUSE (2024-03-29 01:13 GMT) Partie 3 w Éduquer au dialogue en éducation éthique – 13 Si l’évocation d’un apprentissage du dialogue prend une place croissante au sein des débats entourant l’éducation, souvent à titre de modalité d’un vivre-ensemble fondé sur la compréhension mutuelle, son insertion au sein des pratiques éducatives soulève des questions quant à la nature de ce qui est désigné par cette expression. Ainsi, si la notion de dialogue est associée aux principes de réciprocité, d’égalité et d’ouverture au pluralisme, sa mise en œuvre, a fortiori son apprentissage, suppose l’attribution de rôles aux acteurs concernés: qui décide de la tenue du dialogue? Qui en détermine le sujet? Qui définit la procédure dialogique? Ces différentes questions envisagent l’éventualité de rapports inégalitaires entre les diff érents participants, ne serait-ce qu’entre ceux qui l’organisent ou en proposent l’ordre du jour et les autres. Au sein du contexte scolaire, c’est à la personne de l’enseignant que se rapporte cette éventualité. Dans cette optique, nous discuterons de la place qu’occupe l’enseignant dans l’instauration d’un dialogue se voulant ouvert et réservant un rôle actif à l’élève. Plus précisément, il s’agira de se demander s’il existe une contradiction entre l’exigence de réciprocité de tout dialogue authentique et la différence en expérience qui sépare l’enseignant de l’élève. Afin d’établir le contexte de la question, nous nous pencherons d’abord sur le contenu éthique de la relation éducative, plus particulièrement sur son caractère asymétrique. Nous entrerons alors dans le vif de notre problématique, puisque la présence d’une relation asymétrique semble contrevenir à l’idée même de dialogue. Ensuite, nous analyserons la notion de dialogue. Cette analyse nous semble pertinente car, s’il est possible d’adopter le processus qui encadre le dialogue pour point de repère, il demeure que le référent du terme même, «dialogue», porte plus à équivoque. En effet, à l’idée de dialogue correspondent à la fois une conviction axiologique comparable à tout autre énoncé du type «ceci est bien, ceci est mal» et une activité, supposant un savoir-faire2. . Bien entendu, cette affirmation suppose que la question du lieu du dialogue ait trouvé réponse. Pour notre propos, nous présupposerons que le dialogue s’instaure dans un lieu géographiquement situé plutôt que symbolique et institutionnel – en l’occurrence, les systèmes scolaires et leur incarnation physique que sont les écoles. 2. Plus précisément, d’une méthode de résolution des controverses éthiques, par opposition à la coercition physique ou l’injonction. 13 – Penser le dialogue en éducation éthique Enfin, nous comparerons trois modèles du rôle de l’enseignant, nommément «l’enseignant arbitre», «l’enseignant moraliste» et «l’enseignant initiateur». Nous soutiendrons que le modèle de l’enseignant initiateur , évitant les écueils rencontrés par les deux autres modèles, est plus à même de résoudre le problème de l’éducation au dialogue. 1. La reLation éducative, une reLation asymétriQue? L’éducation contemporaine se trouve sous le signe d’une éducation à la liberté d’un être égal en dignité mais différent en expérience. Autrement dit, l’enseignant détient un savoir et une expérience que l’élève n’a pas encore acquis. En revanche, cette différence d’expérience ne doit pas masquer l’égalité en dignité de l’élève qui partage...