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Chapitre 4 l’aristocratie mobile du savoir et son tapis rouge Quelques réflexions sur les thèses de Richard Florida Richard Shearmur Le 27 janvier 2005, Richard Florida a dévoilé son analyse de l’économie de Montréal (Stolarick et al., 2005) lors d’un dîner dans un salon montréalais . Promu par, entre autres, la Chambre de commerce, Culture Montréal et Montréal International, cette petite cérémonie à 85 $ la place réunissait le tout-Montréal: pendant une trentaine de minutes, nous avons écouté M. Florida nous dire comment les villes gagnantes avaient besoin d’attirer et de retenir les «talents», et que le meilleur moyen de le faire était de . Ce texte a déjà été publié dans La compétitivité urbaine dans le contexte de la nouvelle économie, sous la direction de R. Tremblay et D.-G. Tremblay, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2006. 11 La classe créative selon Richard Florida rendre la ville attrayante pour ces personnes très mobiles et bien formées, en encourageant les domaines culturels, les styles de vie qu’elles aiment, et notamment la «tolérance». Évidemment, ce message flatteur et agréable a très bien accompagn é la digestion des notables présents. Personne dans la salle ne pouvait ignorer qu’il (ou elle) était compris dans la définition assez large que Florida (2002) donne du «talent», ou de la «classe créative» (c’est-à-dire les personnes éduquées et innovantes – termes vagues, mais qui regroupent en pratique les personnes travaillant en création, en conception ou en gestion). En fin de repas, il est doux de se faire bercer par une belle histoire dont nous sommes le héros… Ce message sonne encore mieux si la leçon politique à tirer du conte est qu’il est urgent de remodeler la ville afin de répondre aux besoins de la classe dont nous faisons partie. Il est donc tout à l’honneur des montréalais «créatifs» que le message ait été reçu avec une bonne dose de scepticisme. Ce scepticisme renvoie à des questions plus fondamentales de développement économique, de théorisation, et du passage de la théorie à la politique publique. Dans ce chapitre, je vais essayer de fournir quelques éléments qui permettront de mieux saisir les réserves qui peuvent être exprimées au sujet de la thèse de Florida. En effet, ce message a su attirer l’attention des décideurs, et il est indéniable qu’il repose sur certaines bases théoriques solides. Il n’est donc pas question de nier qu’il existe sans doute un lien entre la croissance et les personnes créatives, talentueuses , éduquées ou possédant du savoir-faire. Par contre, il est important de décortiquer ce lien et de questionner la nature et la direction de la causalité: la question n’est pas tant de savoir s’il existe un lien entre«talent» et croissance, mais de savoir si le «talent» cause la croissance ou si la croissance attire le «talent». Florida laisse entendre qu’il suffit que les villes attirent la classe créative pour qu’elles bénéficient par la suite d’une croissance économique. Je vais essayer de démontrer qu’il est fort probable que le contraire soit vrai, et que les personnes éduquées et talentueuses soient en général mobiles, bien informées, et attirées par les possibilités qu’offrent les régions en forte croissance. Dans la première partie, je vais rappeler qu’il existe des travaux solides sur le lien entre le capital humain et la croissance économique des pays, ainsi que le revenu des individus, mais qu’en économie régionale, la migration est en général attribuable aux possibilités qu’offre la région d’accueil. La croissance d’une région est souvent attribuable à sa structure industrielle, sa localisation géographique par rapport aux grands marchés et à des effets d’agglomération diffus et difficilement attribuables à un facteur particulier. Je vais ensuite me pencher sur la distinction que fait [18.222.22.244] Project MUSE (2024-04-24 21:50 GMT) L’aristocratie mobile du savoir et son tapis rouge 11 Florida entre capital humain et «talent», distinction difficile à saisir, et dont les connotations sémantiques sont particulièrement problématiques. Par la suite, nous nous demanderons s’il est raisonnable de...

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