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C H A P I T R E 3 LES NOUVELLES THÉORIES DE LA LECTURE ET DE LA SPECTATURE [18.191.216.163] Project MUSE (2024-04-19 06:43 GMT) Chapitre 3 v Les nouvelles théories de la lecture et de la spectature 37 Un effort théorique considérable, cherchant à décrire l’appropriation d’un objet culturel, est en cours au Québec. La relation entre un objet culturel et le spectateur est l’objet d’étude des nouvelles théories de la lecture et de la spectature: «Il faut un regard qui soit attentif non seulement au texte et au lecteur, mais aux particularités de la relation qui les unit» (Bouvet et Gervais, 2007, p. 5). Les principaux auteurs auxquels je ferai référence (Bertrand Gervais, Gilles Thérien et Martin Lefebvre) relient visiblement leur discours à la sémiotique de Peirce, sans pour autant s’en servir comme base épistémologique incontestable; cela, il me semble, est bel et bien une attitude pragmatiste. Cette résistance épistémologique est d’ailleurs complètement assumée: «[…] l’utilisation de théories fortes a tendance à forcer les sujets à s’effacer derrière des choix épistémologiques déjà faits, inscrits à même les théories» (Gervais, 1998, p. 35). C’est pourquoi la tâche de chercher des postulats qui ne contredisent aucun de leurs travaux est parfois difficile. Cette difficulté m’apparaissant plutôt comme un défi qu’une impasse, je me propose de résumer ces théories en regard du pragmatisme peircéen. L’accent mis sur le lien que les nouvelles théories entretiennent avec le pragmatisme dépasse donc largement les analogies que l’on peut explicitement retrouver dans les écrits auxquels je vais me référer. Le but est de démontrer la pertinence des nouvelles théories d’un point de vue pragmatiste, pour ainsi argumenter en faveur de leurs propositions quant à la forme que pourrait ou devrait prendre l’analyse des objets culturels, que ce soit dans les études en communication ou en études littéraires. De plus, en décrivant l’acte de spectature commun à tout spectateur et en y adjoignant une méthode d’interprétation des objets culturels, on montre que l’expérience commune n’est pas différente de celle du «savant» et on participe ainsi à une intégration du pragmatisme dans la pratique quotidienne. Suivant la maxime pragmatiste de Peirce, les effets pratiques concevables de leur conception de la relation entre le spectateur et l’objet culturel nous amènent à reconsidérer positivement les interprétations originales, en vue de l’élaboration d’une connaissance pratique qui influence à la fois les conceptions que l’on a de soi-même, ainsi que les diverses conceptions socioculturelles partagées par la communauté, les unes étant intimement liées aux autres. La thèse principale des nouvelles théories n’a pas été exprimée ainsi, mais si cette formulation sert mieux mon argumentation que la leur, on retrouve néanmoins, à travers beaucoup d’articles et d’ouvrages sur le sujet, de nombreux indices qui confirment cette hypothèse. Il va sans dire que j’ai préféré insister sur ce qui relie les auteurs et non sur ce qui les distingue. Il convient maintenant de situer ce discours au regard des conditions de possibilité de l’appropriation d’un objet culturel et de l’intérêt d’interpr éter cet objet en vue de l’acquisition de connaissances pratiques. 38 L’appropriation d’un objet culturel Selon les nouvelles théories, l’objet culturel «[…] demeure une pure virtualité s’il n’est pas actualisé lors de la [spectature]» (Bouvet et Gervais, 2007, p. 3). Certes sa reconnaissance en tant que non-ego se fait dans l’expérience – comme tout objet d’ailleurs –, mais sa particularité réside dans le fait que l’objet ne peut s’actualiser comme objet culturel que par l’acte de lecture ou de spectature. L’existence (secondéité) de l’objet culturel est tributaire de l’acte, c’est-à-dire que la relation fait exister l’objet. Comme le fait remarquer Lefebvre (2007, p. 233), pour le réparateur de projecteur, les images et le son qu’il perçoit au visionnement du film ne font pas de l’objet un objet culturel (Lefebvre emploie le terme filmique), le film est pour lui tout simplement signe du bon fonctionnement du projecteur...

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