In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

INTRODUCTION [18.221.165.246] Project MUSE (2024-04-17 00:05 GMT) Introduction 3 De nombreuses expériences de la vie quotidienne ne captent pas suffisamment notre attention pour qu’on y réfléchisse. Elles passent sans bousculer nos manières de penser ou d’agir. Mais quand l’une de ces expériences ne se laisse pas facilement appréhender, lorsqu’elle se fait énigme, l’esprit part alors à la recherche d’une réponse; quand le doute nous prend, on recherche l’apaisement. Cela demande assurément un certain effort, et c’est de cet effort dont il sera question dans cet essai. Mon propos portera plus précisément sur l’effort d’interprétation qui a cours pendant et suite à l’expérience d’un objet culturel, ce qui englobe de façon générale film, pièce de théâtre, roman, sculpture, peinture, etc. Si l’expérience de chacun de ces objets comporte des particularités qu’on ne saurait nier, il reste qu’une connaissance théorique de l’acte d’interpréter un objet culturel en général soit tout à fait envisageable1 . L’objectif direct est d’abord de comprendre ce qu’il en est de l’acte d’interpr éter, et pourquoi on ne peut pas disjoindre l’interprétation d’un 1. Plusieurs théories de l’interprétation se sont donné la tâche d’étudier la relation entre le spectateur et l’objet culturel, la plupart du temps il est vrai, entre le lecteur et le texte. Très sommairement, on dira que le poststructuralisme a ouvert la voie à ce type d’études en examinant les effets des textes et du langage sur les lecteurs, ainsi que sur la participation de ceux-ci à la concrétisation du sens des textes. Le but du poststructuralisme est de déshabiller un texte de son autorité à propos de la réalité. Analogiquement, Jacques Derrida fait de son discours déconstructionniste une méthode visant d’abord à trouver les craquelures presque invisibles dans le texte, craquelures qui remettent en question la véracité des textes étudiés, mais cette première étape n’est que provisoire , car le propre de sa méthode est de détruire les deux pôles de dominant (le texte comme autorité) et de dominé (le lecteur déterminé par le langage). Au cœur de cette déconstruction se produit alors le jeu libre des forces, ne nécessitant aucune référence à la «réalité extérieure», et il ne reste alors pour l’analyste qu’à jouer librement avec les signes. Le sémioticien Umberto Eco a aussi participé à la réforme du structuralisme. Pour Eco, l’objet culturel est un système relationnel, une forme autonome créée par l’humain comme complément du monde et ayant des propriétés qui permettent et structurent l’interprétation. Le texte, véritable organisme calibré (Eco, 1965, p. 17), déploierait ses propres intentions. Le défi qu’Eco a voulu relever est que l’œuvre demeure ouverte, au sens où de multiples interprétations peuvent en être faites sans que sa singularité en soi altérée. Wolfgang Iser et Hans Robert Jauss se sont quant à eux surtout intéressés à la réception des textes dans une perspective sociologique et historique, ainsi qu’aux effets des textes sur le public. Pour Iser (1985), le lecteur ne peut pas révéler un sens objectif caché dans le texte, mais la littérature génère une somme d’effets de sens pour le lecteur, dans un espace créé par la relation qu’entretient le lecteur avec le texte. Jauss (1978) s’est attaché à décrire un paradigme littéraire qu’il nomme l’esthétique de la réception, définissant le sens comme une convergence de la structure du texte et de l’interprétation. Au demeurant, Jauss s’intéresse surtout aux réactions des lecteurs; les narrations n’ont pas à être étudiées comme le reflet de la réalité d’une époque, c’est au contraire l’impact des narrations sur la perception que les lecteurs ont de leur monde qui est l’objet d’étude de Jauss. On notera enfin le travail singulier de Michel Charles (1977, 1995) pour qui l’acte de lecture doit être le point nodal d’une théorie de l’interprétation. Ce survol permet à tout le moins...

Share