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3 La ville comme temple1 Du haut Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime, toute cité chrétienne s’est efforcée d’anticiper la Jérusalem céleste. La mentalité que favorisait la religion nouvelle continuait celle des civilisations traditionnelles, qui peuvent vivre seulement dans un espace sacré, ou en fonction de lui. Une représentation inédite de la ville prévalut bientôt, combinant deux réalités opposées, l’une contingente, l’autre transcendante. La conception urbaine qui en résulta s’orientait sur le modèle absolu décrit dans l’Apocalypse: il me transporta en pensée sur une montagne élevée pour me montrer la Cité-Sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, de chez Dieu, portant en elle toute la gloire divine. Elle a l’éclat de la pierre la plus précieuse ou du jaspe cristallin. La haute muraille qui l’entoure est percée de douze portes. Douze Anges se tiennent debout devant ces douze portes. Et sur chacune d’elles est inscrit le nom des douze tribus des descendants d’Israël. Il y a trois portes à l’Orient, trois au nord, trois au sud et trois à l’Occident. Les remparts de la ville 1. Paru originellement dans Compar(a)ison, 1994, no 2. 2479-Montage_regroupe.indb 45 09-08-26 15:53 46 De la ville au patrimoine urbain comptent douze assises, et sur chacune d’elles est gravé le nom d’un des douze Apôtres de l’Agneau. Celui qui me parlait tenait un roseau d’or qui lui servait à mesurer la ville avec ses portes et ses murailles. Cette ville s’inscrit dans un carré: sa longueur est égale à sa largeur. Ayant relevé ses dimensions à l’aide du roseau, il obtint douze mille stades [soit plus de 2000 kilomètres]: longueur, largeur et hauteur sont identiques. Puis il mesura l’épaisseur des remparts: ils avaient cent quarante-quatre coudées [plus de 70 mètres]. La mesure dont se servait l’Ange était une mesure humaine. Le revêtement de la muraille est de jaspe, et la ville est construite en or qui est aussi pur que du cristal. Les assises des murailles de cette ville sont embellies de pierreries sans nombre: la première assise est en jaspe, la seconde en saphir, la troisième en chalcédoine, la quatrième en émeraude, la cinquième en sardoine, la sixième en cornaline, la septième en chrysolithe, la huitième en béryl, la neuvième en topaze, la dixième en chrysoprase, la onzième en hyacinthe, et la douzième en améthyste. Les douze portes sont douze perles, chacune d’elles formant à elle seule une porte. La place est en or pur qui rayonne comme du cristal. Mais je n’y vis aucun temple. C’est le Seigneur-Dieu, le Maître absolu, qui lui tient lieu de temple, de même que l’Agneau. Il n’est besoin ni de soleil ni de lune pour éclairer cette ville: la gloire divine resplendit sur elle, et l’Agneau illumine comme un flambeau. (Apocalypse, 21, 10-23, dans la version d’Henri Stierlin2 .) Qu’une telle vision ne se laisse pas transposer aisément dans les trois dimensions d’une ville quotidienne, c’est évident. On ne s’étonnera donc ni de la variété des transcriptions entreprises, ni du fait que le rapport 2. Henri Stierlin, La vérité sur l’Apocalypse. Essai de reconstitution des textes originels, Paris, Buchet-Chastel, 1972. Pèlerins devant  la façade de l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, miniature du Livre des Merveilles, France, xve siècle, exemplaire de la Bibliothèque nationale de France. (Ms.fr.2810, f.274). Snark / Art Resource, NY 2479-Montage_regroupe.indb 46 09-08-26 15:53 [18.223.0.53] Project MUSE (2024-04-19 06:00 GMT) La ville comme temple 47 du modèle au résultat bâti apparaisse souvent distendu, ni que le désir de réaliser la Jérusalem nouvelle sur le terrain se soit aidé de divers relais. Le plus souvent, même, il n’est pas possible, face au plan d’une ville donnée, de déchiffrer du premier coup d’œil ce qui renvoie au paradigme apocalyptique . Il faut donc procéder cas par cas en s’aidant à la fois des textes et de l’iconographie disponibles et, surtout, des él...

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