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LE RÔLE DES JOURNALISTES COMME MÉDIATEURS DOIT ÊTRE REPENSÉ Bernard Schiele JOURNALISME SCIENTIFIQUE 110 La révolution Internet Ne disposer que de peu d’espace est un avantage. Car il faut obligatoirement s’en tenir à l’essentiel. Tous les journalistes qui liront ce chapitre le savent mieux que moi. Souvent, pour ne pas dire quotidiennement, ils doivent, en peu de mots ou en quelques commentaires, livrer un propos consistant, cohérent, concis, clair et accessible pour un lecteur, un auditeur ou un téléspectateur, qui n’a souvent qu’un intérêt relatif – sinon aucun – pour le sujet d’actualité traité, mais dont on sait qu’il est impératif de capter et de retenir l’attention avant même de songer à l’informer. D’entrée de jeu, je déclare que je ferais un mauvais journaliste . Mon métier présuppose un intérêt des récepteurs potentiels pour le sujet traité, ou à tout le moins une réceptivité de leur part; il présuppose aussi une connaissance préalable sur laquelle les informations nouvelles viennent se greffer. De plus, il est attendu que les exposés aient une étendue, sans quoi ils sont jugés sommaires, simplistes et sans intérêt. Disposer du temps voulu permet alors un développement conséquent du propos. Peu d’espace et peu de temps invitent à être succinct. Si j’ai contrasté à gros traits la pratique journalistique et la pratique universitaire, c’est pour rappeler que toute relation de communication implique un contrat de communication entre émetteurs et récepteurs de messages; c’est-à-dire une façon de faire, de dire ou d’écrire, bref de mettre en forme et de présenter l’information qui rencontre des attentes associées à des usages sociaux et des pratiques culturelles. S’il est si souvent question aujourd’hui de crise du journalisme scientifique , et si cette crise est surtout ressentie par les journalistes euxm êmes, c’est que le contrat de communication sur lequel repose leur pratique journalistique ne satisfait plus les parties, ni les journalistes, ni le public. Dans les quelques pages mises à ma disposition, je voudrais attirer l’attention sur quelques points qui me semblent importants dans le débat actuel sur l’avenir du journalisme scientifique. L’idée directrice de mon propos peut se résumer comme suit: le journalisme scientifique – et plus généralement la communication scientifique publique – s’est édifié autour d’un consensus sur la nécessit é d’éclairer l’opinion publique sur la question des sciences, et cristallis é dans un ensemble de pratiques professionnelles visant à lui garantir une indépendance et une autonomie – toutes relatives bien entendu! – pour atteindre cet objectif. Or, les conditions qui ont permis au journalisme scientifique de passer un tel contrat de communication avec le public ont aujourd’hui changé: les journalistes scientifiques ne peuvent plus prétendre au monopole de la parole légitime dans le champ de la diffusion publique des sciences; ils ne sont plus que des [3.147.103.202] Project MUSE (2024-04-20 00:49 GMT) Journalisme scientifique 111 médiateurs parmi d’autres médiateurs: là est l’enjeu, là est le défi! Et ce défi consiste à reconnaître et admettre cette réalité; et repenser le rôle et les stratégies du journalisme, notamment en le repositionnant sur des activités nouvelles. On m’objectera avec raison que les choses ne sont pas si simples, ni aussi tranchées. Parler de tendance serait donc plus nuancé car les jeux ne sont pas encore faits. Sans doute. Mais quelle est donc cette réalité que je viens d’évoquer et à laquelle je fais référence? Trois éléments au moins la circonscrivent: le développement d’Internet et la recomposition des modes • de médiation; le redéploiement des groupes de communication et l’impact • de leurs nouvelles stratégies sur la pratique journalistique; les nouvelles modalités de production des connaissances. • LE FACTEUR INTERNET Le premier suspect qui vient à l’esprit pour rendre compte des transformations est bien évidemment l’Internet et l’immanence communicationnelle contemporaine qui le caractérise. Le dernier exemple le plus frappant en date étant le décès tragique d’un immigrant polonais au Canada, violemment pris à partie par la Gendarmerie royale à l’aéroport de Vancouver; interpellation filmée par un voyageur, puis diffusée et visionnée dans le monde entier – avec à la...

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