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Introduction: Recherche, conversation et contribution théorique
- Presses de l'Université du Québec
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INTRODUCTION Recherche, conversation et contribution théorique Faire de la recherche, c’est essentiellement s’engager dans une «conversation », une métaphore qui a inspiré Anne Huff (1999) pour décrire le processus de constitution des connaissances dans le champ particulier de la gestion ou de l’organisation. La première étape à franchir pour entrer dans cette conversation peut se résumer à mettre sur pied un projet de recherche en s’appuyant sur les carences, limites ou même ouvertures suggérées par les résultats des travaux déjà publiés, puis à réaliser ce projet et, enfin, à soumettre le texte qui en rend compte à une revue savante. Le rédacteur en chef de cette revue (ou le rédacteur associé à qui il délègue cette tâche)1 fera alors évaluer le manuscrit par des experts qui en recommanderont l’acceptation (avec 1. Pour éviter de surcharger inutilement le texte, l’expression « rédacteur en chef » désignera ici la personne responsable de l’évaluation d’un texte soumis à une revue savante pour fins de publication, même si dans de nombreux cas cette personne est un rédacteur «associé» nommé par le rédacteur en chef pour prendre en charge le processus d’évaluation du texte en question. Cette façon de procéder existe dans la majorité des revues importantes. 2 Publier dans une revue savante des modifications mineures ou majeures à lui apporter) ou, beaucoup plus fréquemment, le refus, surtout dans certains domaines comme la gestion et lorsque les revues sont renommées. Notons que, dans la très grande majorité des cas, cette évaluation se fait en double aveugle (double blind review), c’est-à-dire sans que l’auteur et l’évaluateur connaissent l’identité de l’autre. Le rédacteur en chef n’est pas tenu de suivre les recommandations des évaluateurs, ce qui devient évident lorsqu’elles s’opposent (!), mais elles le guident dans la décision qu’il doit prendre. Ce système d’évaluation par les pairs (peer review) est extrêmement important parce qu’il exerce un impact déterminant sur le contenu et sur l’évolution des connaissances dans un champ particulier (Bedeian, 2004). Dans cette perspective, la connaissance doit être vue comme un produit socialement construit, comme l’avait bien exprimé Astley (1985) il y a un certain temps déjà. Elle ne refléterait donc pas la découverte d’une vérité objective qui attendait d’être mise au jour; elle serait plutôt la conséquence du succès obtenu par le chercheur dans ses efforts pour persuader un groupe de deux, trois ou parfois même quatre experts anonymes, en plus du rédacteur en chef, de l’intérêt de sa recherche. Faire de la recherche devient alors fondamentalement une entreprise de rhétorique – au sens noble du terme – où le chercheur s’efforce de convaincre ceux qui, au départ, détiennent entre leurs mains le sort de sa recherche. Il le fera en misant évidemment sur le contenu ou la substance de son travail, mais également en employant des techniques ou des procédés associés à la forme plutôt qu’au fond, comme on le verra dans cet ouvrage. S’il y parvient, c’est-à-dire si le texte est publié à la suite de son évaluation par les pairs et, très important, après que le chercheur lui eut apporté les modifications demandées, une étape cruciale a assurément été franchie, mais la conversation n’en est tout de même qu’à ses premiers balbutiements. Ce sera maintenant au tour des autres chercheurs de décider si la contribution apportée peut les aider à faire avancer leurs propres idées, à problématiser l’objectif d’une nouvelle recherche, à justifier les questions précises ou les hypothèses auxquelles cet objectif donne lieu, ou encore à discuter les résultats de leur recherche. Ainsi, lorsqu’ils citeront le travail en question, de façon appropriée devrait-on ajouter, ces chercheurs se trouveront de facto à reconnaître la qualité et l’utilité du travail accompli. C’est un peu comme s’ils acceptaient que le chercheur se joigne à la conversation sur cet objet de recherche et qu’il contribue à l’orienter. L’important à retenir ici en ce qui concerne particulièrement le processus de constitution des connaissances, c’est qu’un texte non publié est un texte [44.212.50.220] Project MUSE (2024-03...