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c h a p i t R e 18 la figuRe de l’intellectuel poRte-paRole en milieu cultuRel collectiviste France Aubin Université du Québec à Trois-Rivières, Canada 5 Quelle communication pour quel changement? Combinant les résultats de recherches menées dans le cadre de ma thèse en communication sur les stratégies de publicisation déployées par des intellectuels critiques et ceux d’une recherche encore en cours sur les médias autochtones québécois, le texte soumis ici à l’attention des lec­ teurs exposera les questionnements nés de la rencontre, chez une même chercheuse, entre ces deux objets en apparence fort dissemblables. J’expo­ serai l’état de mes réflexions en introduisant d’abord brièvement mes recherches sur les intellectuels, puis en présentant le lien entre les intel­ lectuels, l’espace public et l’hégémonie (ou la contre­hégémonie) pour terminer avec mes réflexions proprement dites (encore fort embryon­ naires) sur la figure de l’intellectuel porte­parole en milieu culturel col­ lectiviste, collectiviste au moins sur le plan politique, c’est­à­dire un milieu où la collectivité a préséance sur les individus qui la composent, comme ce semble être le cas dans les milieux autochtones1. 18.1. mes recherches sur les intellectuels Mes recherches sur les intellectuels (Aubin, 2006) avaient pour objectif, notamment, de proposer des manières de faire particulièrement com­ municationnelles pour mener une recherche sur les intellectuels. En France, la recherche sur les intellectuels a un peu plus de trente ans; au Québec, à peine vingt. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas eu d’ouvrages ou de colloques abordant la question des intellectuels avant les années 1980, mais il s’agissait alors de travaux à vocation essentiellement normative, comme L’opium des intellectuels de Raymond Aron (1955) ou La trahison des clercs de Julien Benda (1927). Ces ouvrages visaient à juger des intellectuels pour les valoriser ou, au contraire, les condamner. Depuis les années 1980 (Michel Trebitsch dira que c’est depuis la mort de Sartre), des travaux résolument scientifiques ont été menés sur les intellectuels, en sociologie (avec Bourdieu) et en histoire (culturelle, politique, intellectuelle, des idées, etc.). Des recherches menées en communication sur des intellectuels existent aussi depuis quelque temps, mais ces travaux comportent une forte dimension historique et non communicationnelle. Par exemple, ceux de Gaëtan Tremblay (2003) ou ceux de Bill Buxton (1997, 1998) ont porté sur l’histoire de la discipline de la communication et en 1. C’est donc dans son acception sociale que le terme «collectiviste» est abordé ici, soulignant que le pouvoir tire sa légitimité de la collectivité, et non dans son accep­ tion économique renvoyant à la propriété collective des moyens de production. [3.145.23.123] Project MUSE (2024-04-25 05:35 GMT) Chapitre 18 v La figure de l’intellectuel porte-parole… 5 particulier sur la contribution de certains auteurs à la formation et à la consolidation de la communication (MacLuhan et Innis). On peut donc dire que les travaux de Tremblay et de Buxton, très riches et très inté­ ressants pour la recherche en communication, ne sont pas vraiment différents de la recherche qui peut être menée dans d’autres disciplines sur la contribution de chercheurs à la consolidation de ces disciplines. Autrement dit, il n’y a pas de différence intrinsèque entre la démarche d’un chercheur en sciences de la nature faisant l’histoire de la contri­ bution d’un botaniste au développement des sciences de la nature et la démarche d’un chercheur en sciences de la communication faisant l’histoire de la contribution d’un théoricien de la communication au développement des sciences de la communication. L’approche scienti­ fique est essentiellement historique, ce qui change, ce sont les prota­ gonistes et les concepts qu’ils ont développés, pour le champ des sciences de la nature, ou pour celui des sciences de la communication. Pour ma part, j’ai voulu présenter une recherche qui ne pourrait être faite qu’en communication et, pour y arriver, j’ai structuré celle­ci en trois points correspondant aux trois dimensions prises en compte dans la pratique communicationnelle, c’est­à­dire les espaces publics (asso­ ciatifs ou autres) où l’on souhaite communiquer (souvent en ciblant des publics précis...

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