Quelle communication pour quel changement?: Les dessous du changement social

Chapitre 16

c h a p i t R e 16 innovation oRganisationnelle comment passer au XXIe siècle en ranimant la flamme par des pratiques collectives inspirantes? Isabelle Mahy Université du Québec à Montréal, Canada  Quelle communication pour quel changement? Le vieillissement de la population et la sortie massive du marché du travail des babyboomers provoquent des ruptures au sein des organi­ sations. Ce contexte générateur de risques incite à questionner les formes et les pratiques auxquelles les organisations font appel pour se transformer. Comment créera­t­on de la valeur dans le futur et d’où proviendra­t­elle? Pour certains chercheurs (Guillet de Monthoux, 2004), c’est du monde des arts que viendrait une partie de la réponse. Suivant cette proposition, s’inspirer des pratiques de création permettrait à une orga­ nisation de devenir plus créative dans son marché en intégrant des pratiques émergeant de la récente esthétisation de la société. Mais quelles sont ces pratiques et en quoi leur appropriation par le monde du management peut­elle contribuer à favoriser l’innovation? Cher­ chant à comprendre la dynamique de cocréation de différentes com­ munautés de pratique au sein d’un processus d’innovation, une étude menée au Cirque du Soleil (Mahy, 2005) a permis de révéler l’importance de pratiques novatrices telles que le design collaboratif, l’apprentissage dans l’action, celle du métissage et du dialogue, tout comme la place de la mémoire collective, des récits de l’expérience, de même que de la culture, de l’identité et du collectif. Le modèle conceptuel qui résulte de l’étude de Mahy (2005) met l’accent sur les dimensions qui interrogent l’humain, soit le rapport entre la personne et son intériorité; entre la personne et le groupe; entre la personne et l’organisation ainsi qu’entre le groupe et l’organi­ sation. Ce cadre conceptuel a été opérationnalisé dans deux organisa­ tions différentes, chacune traversant un changement. Les deux terrains ont permis de dégager des pistes qui révèlent des aspects différents du potentiel des pratiques inspirées du travail des artistes: leur force mobi­ lisatrice et les enjeux de pouvoir qu’elles dévoilent. En effet, l’intégra­ tion d’approches collaboratives de cocréation de connaissances et de prise de décision a pour effet d’ébranler l’architecture du pouvoir et l’ordre établi au sein d’organisations peu enclines à favoriser la partici­ pation de leurs employés. En portant ces pratiques ailleurs, par le biais de l’intervention, il devient possible de saisir leur métamorphose, mais également les réactions variées du milieu dans lequel elles reprennent vie, au cœur du foisonnement d’un changement organisationnel. Ces constats appellent à revisiter le concept de collaboration à la lumière des aspirations hypermodernes, des attentes et des revendications des générations X, Y et W. Chapitre 16 v Innovation organisationnelle  16.1. ProBlématique La capacité d’innovation des organisations est devenue un enjeu du xxie siècle. Avec la disparition des babyboomers du marché du travail, c’est un savoir­faire collectif qui se disperse, des pans de mémoire qui disparaissent. Ce phénomène touche les sociétés vieillissantes, dont le Canada, qui aura perdu presque un million de travailleurs en 2020. En 2005, environ 50% des travailleurs de cette génération avaient d’ailleurs déjà pris leur retraite, fragilisant ainsi les entreprises. Outre la nécessité d’innover en matière de produits/services, la capacité de l’organisation à s’adapter aux fluctuations de son envi­ ronnement est également préoccupante. Ce processus et les pratiques qui le constituent sont au cœur de la vie organisationnelle et de son potentiel de survie. À la source d’une telle agilité organisationnelle loge une capacité à faire évoluer les pratiques qui nécessite de l’inspiration, ce que les organisations auraient aujourd’hui du mal à trouver auprès de leurs employés. En effet, de nombreuses études font état de la toxicité du monde du travail (Brun, 2003; Brun, Biron et Ivers, 2007). Le cynisme face au discours néocapitaliste semble être banalisé, faute de trouver mieux. Cette tension et les enjeux de survie organisationnelle qui y sont reliés appellent à questionner les bases mêmes du processus d...