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c h a p i t R e 8 les tic dans les sciences pistes de problématiques pour l’étude des dynamiques d’usage et d’innovation technique Florence Millerand Université du Québec à Montréal (UQAM), Canada 100 Quelle communication pour quel changement? Les milieux scientifiques ont connu des changements considérables en matière d’infrastructures d’information et de communication scien­ tifique au cours des cinquante dernières années. Les développements technologiques associés aux technologies de l’information et de la com­ munication (TIC), notamment Internet, touchent non seulement les modalités de production scientifique, grâce aux nouvelles possibilités d’échange et de coordination offertes par les réseaux (messageries élec­ troniques, bases de données partagées, collaboratoires, etc.) mais aussi les conditions de la diffusion de la recherche grâce aux nouvelles pos­ sibilités de circulation des savoirs (publications électroniques, prépu­ blications, archives ouvertes, etc.). Si les premiers usages se contentaient de répliquer le système de communication «papier», les usages émergents vont bien au­delà d’une simple reproduction des modèles hérités de l’imprimé et révèlent de nombreux enjeux scientifiques, économiques et politiques (JASIS, 2001). Les débats autour des initiatives d’autoarchi­ vage institutionnel ou des serveurs d’accès ouvert aux publications (archives ouvertes) ou encore, plus récemment, autour des grands projets de mise en réseau des laboratoires, groupes et institutions scientifiques («cyberinfrastructure» ou projets «e­science»1) sont révélateurs de l’im­ portance de ces enjeux. Il reste que la mise à disposition de nouveaux outils a priori visionnaires et hautement performants ne garantit pas leur utilisation effective par ceux et celles qui sont censés se les approprier. Les travaux en sociologie des usages commencés dans les années 1980 ont révélé toute la complexité des processus d’appropriation des TIC qui mettent en jeu la projection de «significations» d’usage sur la nouvelle techno­ logie par les usagers, en même temps qu’ils ont permis de relativiser les premiers modèles de diffusion des techniques en termes d’adoption (Breton et Proulx, 2002; Proulx, 2005; Jouët, 2000; Millerand, 1998, 1999). Inspirés, entre autres, par les recherches de Von Hippel (1988, 2005) 1. Les initiatives en matière de «cyberinfrastructure» (ou «e­science») viennent prendre le relais des programmes d’autoroutes de l’information développés dans les années 1990. Initiées à partir des années 2000, surtout aux États­Unis et au Royaume­Uni, ces initiatives concernent pour le moment essentiellement les sciences de la nature, même si d’importants projets voient le jour en sciences sociales (voir le National Centre for e­Social Science (NCeSS) ). Concrètement, il s’agit d’équiper les communautés scientifiques d’infrastructures d’information basées sur les réseaux pour promouvoir la collaboration multidisciplinaire et les projets scien­ tifiques de grande envergure. Ces infrastructures se présentent sous la forme de plateformes de collaboration au service de la communication et de la production scientifique. Elles regroupent généralement des systèmes de messagerie et de vidéo­ conférence, des outils de partage de données scientifiques, des architectures de calcul distribuées (grid computing), des outils de visualisation et de modélisation, des «col­ laboratoires», etc. (voir Atkins et al., 2003). [18.222.69.152] Project MUSE (2024-04-25 13:57 GMT) Chapitre 8 v Les TIC dans les sciences 101 sur le rôle clef d’usagers dans les processus d’innovation (les «lead users»), d’autres travaux ont intérrogé l’opposition classique entre innovateurs et utilisateurs au profit de problématisations centrées sur l’action des usagers (Akrich, 1993). Par ailleurs, au­delà des contraintes techniques – inhérentes à toute innovation, les limites à la diffusion et l’appropriation des TIC apparaissent être essentiellement d’ordre social et organisationnel. Les travaux dans le domaine de l’informatique sociale (Social Informatics; Kling et Scacchi, 1982; Kling, 1999; Kling, Rosenbaum et Sawyer, 2005) ont montré combien les dispositifs techniques, les usagers, les processus de travail et les contextes institutionnels devaient être considérés dans leurs relations d’interdépendance, dans le cadre d’une écologie com­ putationnelle2, pour comprendre l’interaction entre changement technique et changement organisationnel. Enfin, dès lors qu’on s’attache à l’observation détaillée des processus de conception des innovations (du projet initial à la...

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