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moinsvisible,toujouRs pRésent,plus efficace l’exercice de l’autorité dans un marché interne conversationnel olivier biencourt etthierry jolivet 162 La domination au travail Qui commande à qui? Par quels moyens? Dans quelles fins? Appliquées à la relation de travail, ces questions ont, depuis longtemps, fortement mobilisé l’attention des chercheurs dans nos disciplines. En gestion, l’étude des outils de management, et de leurs évolutions, est l’un des moyens de répondre à ces questions. Ainsi, par exemple, une gestion des compétences (Brochier, 2002) constitue un outil renouvelé au regard des anciennes pratiques tayloriennes (Jolivet, 1991). En économie, ces interrogations reviennent à se positionner sur une théorie de la firme. La question de la nature hiérarchique de la relation de travail oppose la vision de Coase à celle, plus récente, en termes d’incitations. Pour la première, la firme est inéluctablement caractérisée par l’exercice de l’autorité1. Pour la seconde, l’autorité hiérarchique n’est pas l’élément caractéristique de cette relation qui naît de la rencontre entre l’intérêt du principal et celui de l’agent dans un contexte informationnel donné (Alchian et Demsetz, 1972). Il s’agit ici de questionner l’évolution des formes d’exercice de l’autorité au sein d’une organisation. S’il est admis, depuis les travaux de Weber, que le pouvoir est la capacité de «faire triompher au sein d’une relation sociale donnée sa propre volonté» (Weber, 1971, p. 95), le concept d’autorité est différent et désigne une «forme légitime du pouvoir» (Baudry et Charmettant, 2007, p. 1012). Ailleurs (Biencourt et Jolivet, 2000), nous avons étudié et analysé la mise en place d’une nouvelle forme d’organisation où la structure pyramidale traditionnelle a laissé place à une hiérarchie de compétences. Cette dernière privilégie la complémentarité et se présente volontiers comme non hiérarchique: une stricte distinction entre l’encadrement et le personnel d’exécution n’aurait, dans cette organisation, plus de sens. Le hiérarchique n’est plus le «supertechnicien». Il serait devenu l’animateur d’une équipe. Or, contrairement au contremaître, l’animateur d’équipe n’est pas immédiatement associé à une fonction hiérarchique. Animer n’est a priori pas synonyme d’ordonner. L’image de l’animateur ainsi mise en avant contribue à ce que s’estompe la dimension hiérarchique inhérente à son rôle. Il serait donc un coordinateur qui doit, avant tout, faciliter la communication entre les différents membres de son équipe. 1. «Si un travailleur se déplace du service Y vers le service X, ce n’est pas à cause d’un changement de prix relatif, mais parce qu’on lui ordonne de le faire» (Coase, 1937). Nous reproduisons ici la traduction publiée dans la Revue française d’économie, vol. II, no 1, hiver 1987, p. 133-163. [3.17.6.75] Project MUSE (2024-04-25 08:24 GMT) Moins visible, toujours présent, plus efficace 163 Aussi, ce travail antérieur vient, avec d’autres, conforter la thèse de l’émergence de l’entreprise communicationnelle (Detchessahar, 2003) :«la communication est devenue une composante essentielle du travail […] et […] la qualité des interactions est désormais centrale pour améliorer la performance des organisations» (Zarifian, 1999). De plus, ce travail antérieur se situe dans une perspective conventionnaliste2 et nous y modélisons donc la firme comme «i) un collectif ii) reposant sur des valeurs supposées partagées par ses membres, qui iii) sont réunis par l’action de produire et par là iv) engagés dans un dispositif d’apprentissage» (Biencourt, 2007). En première approximation, il pourrait nous être fait le reproche d’avoir décrit, voire modélisé, un monde idéal où les inégalités de position auraient disparu, où l’individu autonome serait parvenu à s’extraire de la tutelle pesante de sa hiérarchie. Et de cette autonomie découlerait un univers sans conflit où chacun pourrait pleinement s’épanouir. Pire encore, en postulant, du fait de notre perspective conventionnaliste, que les membres d’une même entreprise puissent partager des valeurs communes, nous gommerions toute différence entre employeur et employé. Non seulement, l’un ne serait plus le chef de l’autre et lui laisserait faire preuve d’autonomie et d’initiative, mais en plus ils feraient«monde commun». En d’autres termes, ils...

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