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la domination dans le modèle de pRoduction de haute peRfoRmance dans la gestion de pRojets marie-josée legault et stéphanie chasserio 100 La domination au travail Les sociologues des professions s’intéressent depuis longtemps aux formes de domination au travail qui ne s’exercent pas dans le cadre d’un assujettissement des travailleurs à un contrôle hiérarchique autoritaire, ni dans le cadre d’une division stricte entre la conception et l’exécution du travail (Legault, 1988). Ce large corpus de travaux traite surtout des travailleurs hautement qualifiés qui sont organisés en ordres professionnels et de ceux qu’emploient les grandes bureaucraties. Or, la situation contemporaine fait émerger de nouvelles formes de domination chez ces travailleurs; nous traiterons ici de l’un de ces cas, celui de la gestion par projets dans le domaine de l’économie du savoir, plus particulièrement des services technologiques aux entreprises. Des travailleurs de diverses catégories de l’informatique étudiés ici ont en commun d’être très qualifiés, de travailler dans de petites organisations matricielles et de ne pas être regroupés en un ordre professionnel. Martuccelli (2001) a traité de nouvelles formes de domination caractérisées par une direction qui suscite l’engagement au travail par l’adhésion aux valeurs de l’entreprise et l’intériorisation de ses contraintes, qui déplace le contrôle vers les individus, les équipes de travail et qui fait émerger une nouvelle figure dans l’exercice du contrôle, soit le client. De la même façon, une récente recension de travaux empiriques sur le travail (Murray, Bélanger, Giles et Lapointe, 2002) conclut à un assez vaste consensus, tant des chercheurs que des praticiens, concernant l’émergence d’un nouveau modèle général de production et de travail dit de haute performance (high performance workplace) qui se distingue par la mise en place de ces formes de domination dans le monde industriel, qui remettent en cause le modèle de régulation fordiste (Bélanger, Giles et Murray, 2002, p. 20-30). Le texte qui suit met en évidence la pertinence du modèle de haute performance pour rendre compte de la domination chez les professionnels de l’informatique dans les entreprises de services technologiques aux entreprises (ESTE): L’organisation du travail dans ces ESTE sollicite grandement lesƒ qualifications et les savoirs de ces travailleurs, on les valorise et on est disposé à en payer le prix. Les travailleurs y ont une grande autonomie et un grand pouvoirƒ d’autorégulation de leur travail. Toutefois, comme on transfère aux travailleurs la très grande responsabilité de la satisfaction d’un client volatile, l’autonomie prend plutôt la forme d’une injonction qui, à son tour, révèle un mode de domination propre au secteur. [3.14.6.194] Project MUSE (2024-04-23 17:14 GMT) La domination dans le modèle de production de haute performance 101 Les risques liés à l’incertitude de la production sont transférés auxƒ travailleurs: risques économiques (sous-emploi, chômage), risques sociaux (maladie, maternité, vieillesse), risques professionnels (désuétude des connaissances, faute professionnelle). On peut percevoir l’existence d’un certain consensus entre lesƒ professionnels et la direction, une adhésion certaine des professionnels aux objectifs de la direction et à sa lecture des contraintes propres à l’industrie, qui garantit non seulement un engagement élevé, mais aussi l’acceptation par les travailleurs du risque qui leur est transféré. 1.pRoblématique En effet, les précédents éléments distinguent le modèle de haute performance émergeant du modèle fordiste (Giles, Murray et Bélanger, 2002; Godard, 2001). Ce nouveau modèle se révèle utile devant l’ouverture des marchés, la concurrence mondiale, la transformation de la demande et la rapidité du progrès technologique. Les directions des entreprises, pour pouvoir répondre adéquatement aux changements de leur environnement, cherchent à rendre plus flexibles: leur structure organisationnelle en supprimant des niveauxƒ hiérarchiques pour adopter une structure plus efficace et rapide dans le processus de prise de décision ; entre autres, on tendra par exemple à diviser l’organisation, à atomiser certains éléments pour les comparer avec des fournisseurs externes (Bélanger, Lapointe et Lévesque, 2002); leur offre en délaissant la production de masse uniformisée pourƒ proposer des produits correspondant précisément aux besoins du client ; l’organisation du travail pour...

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