In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Les discours sur les NTIC dans les pays du Sud Le piège récurrent de l’émancipation par le «haut» N’Diaga Loum Département de travail social et des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais Cette réflexion porte sur cette «nouvelle» idéologie communicationnelle qui étend ses tentacules dans tous les pays du Sud en présentant, comme par enchantement, les perspectives d’un monde radicalement nouveau auquel personne n’a jamais pensé, où le développement passerait inéluctablement par les avantages offerts par les NTIC (nouvelles technologies de l’information et des communications) et les innovations multiples et multidimensionnelles dont elles seraient porteuses. Les discours sur les NTIC et le développement donnent l’image d’une mondialisation «à visage humain» où les pièges du libéralisme sont dilués dans la vocation émancipatrice des nouveaux développeurs. Mais si la «contre-attaque» à ce nouvel «impérialisme épistémologique » (Philippe Breton) existe bien dans les pays d’Amérique latine (qui partagent avec le continent africain l’appartenance commune à la catégorie des pays pauvres), elle est quasi inexistante en Afrique. La question centrale devient alors celle-ci: comment dans le contexte des pays du Sud en général, et de l’Afrique en particulier, les discours valorisant les paradigmes de l’information et de la communication sont-ils systématiquement repris en relation avec la problématique de la mondialisation, pour déboucher sur une conviction qui consiste à faire passer la nouvelle solution de développement par l’appropriation des nouvelles technologies de l’information et de la communication et la participation à la société de l’information? L’objectif visé à travers cette réflexion est de mettre en lumière les clés essentielles du discours mondialiste «électronique» repris dans la plupart 214 L’émancipation, hier et aujourd’hui des discours africains, et ensuite, d’offrir quelques éléments d’ordre critique permettant sinon de reconstruire, du moins de déconstruire ce discours aux relents fort utopiques, aux seules fins de mieux coller aux réalités des pays du Sud en général, de l’Afrique en particulier, sans a priori ni parti pris idéologique. Il s’avèrera alors opportun de rappeler quelques fondamentaux de ce paradigme informationnel, de voir comment il se décline dans le discours des nouveaux développeurs et de leurs «partenaires» (les dirigeants africains): dans un souci de clarté pédagogique, on regroupera ces deux versions dans la rubrique des discours dits «institutionnels»; on essayera aussi de repérer quelques discours orientés vers l’approche critique qu’on voudra bien lire comme l’émergence, «douloureuse» tout de même, d’une science sociale critique sur les NTIC dans le contexte des pays du Sud en général, de l’Afrique en particulier. 1. RAPPELS DE QUELQUES FONDAMENTAUX DU PARADIGME DE L’INFORMATION On peut dater l’émergence de la société de l’information1 comme concept et idée à partir de la naissance de la cybernétique2 d’où surgit l’idée d’une société de la communication comme alternative aux modes actuels d’organisation de la société. En 1948, Dominique Dubarle, adepte de la pensée de Wiener publiait dans le journal Le Monde un article intitulé «Vers la machine à gouverner – une nouvelle science: la cybernétique», dans lequel il décrivait une nouvelle machine qui se substituerait aux hommes politiques pour prendre en charge la gestion des sociétés humaines au niveau mondial. Ce paradigme sera ensuite à l’origine de plusieurs publications valorisant l’idée d’une société mieux organisée grâce aux 1. Mattelart attire l’attention sur le fait que l’idée d’une société régie par l’information est inscrite dans le code génétique du projet de société inspir ée par la politique du nombre et que donc, elle date de bien avant l’entrée de la notion d’information dans la langue et la culture de la modernité (Mattelart, 2006). 2. Wiener faisait remarquer que «s’il fallait sacrer un “saint patron” pour la cybernétique, c’est à Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) qu’il faudrait indéniablement penser» (Wiener, 1948, cité par Armand Mattelart, Histoire de la société de l’information, La Découverte, 2006, p. 5). Il est vrai que les réflexions de Leibniz marquent une étape essentielle dans la mise en place progressive de...

Share