Géographie de l'Amérique latine: Une culture de l'incertitude

Chapitre 9: Une géographie de la démocratie en Amérique latine : La difficile construction d’une carte

Chapitre 9 Une géographie de la démocratie . en Amérique latine La difficile construction d’une carte Est-il possible de cartographier le processus de démocratisation en Amérique latine? Si oui, quelles sont les catégories à considérer pour différencier les trajectoires ­politiques des États-nations entre elles? Deux approches s’opposent quant au choix de critères pour mesurer et ­comparer l’avancement du processus de démocratisation: il s’agit de l’approche par résultats et de l’approche par procédures. La première, plus simpliste, définit les degrés de démocratisation selon la présence de certains éléments considérés comme essentiels au déploiement d’une démocratie libérale: élections libres, présence d’un parlement, liberté de culte et liberté de presse. Cette technique est employée par l’organisation non gouvernementale (ONG) Freedom House qui publie les résultats de ses examens 200 Géographie de l’Amérique latine annuels sous la forme de cartes thématiques. Pour ce faire, trois catégories sont ­utilisées: 1) les pays libres (respect quasi total des libertés publiques); 2) les pays partiellement libres (quelques restrictions aux libertés publiques, souvent en contexte de guerre civile, de corruption ou en l’absence d’application équitable de la loi); et 3) les pays où il y a absence de liberté (non-respect des droits fondamentaux et système politique fortement contrôlé) (Freedom House, site Web; L’Atlas du Monde diplomatique, 2003, p. 70). Bien que ­réductrice, cette approche possède l’avantage de faciliter la ­cartographie des degrés d’avancement de chaque État-nation. La deuxième approche, s’attardant aux procédures, est reconnue pour sa­ capacité explicative et privilégiée par les académiciens: il s’agit de com­prendre la qualité des démocraties libérales et des pratiques institutionnelles par l’étude de l’État et de la relation qu’il entretient avec la société civile, d’une part, et des effets en découlant , d’autre part (Hartlyn, 2002, p. 104). Pour cela, la variable des types de régime est utilisée de manière à créer les catégories suivantes, dont le caractère démocratique est décroissant: 1) démocratie libérale; 2) polyarchie située entre démocratie électorale et démocratie libérale; 3) démocratie électorale; 4) semi-démocratie (entre autoritarisme et démocratie électorale); et 5) autoritarisme (idem, p. 107). Le principal défi qui se pose aujourd’hui en Occident a trait à la qualité de la démocratie, c.-à-d. à son approfondissement, tant du point de vue des pratiques­ citoyennes que des rouages bureaucratiques institutionnels. Alors que les institutions qui permettraient un ancrage de la démocratie sont parfois déficientes voire absentes en Amérique latine, lorsqu’elles existent, la présence de corruption et le manque de transparence sont au nombre des obstacles historiques à supprimer. La présence­ d’organismes de gouvernance mondiale ou hémisphérique, tel l’Organisation des États Américains (OÉA), et d’investisseurs étrangers est un facteur qui joue en faveur d’une plus grande transparence institutionnelle: le défi posé par la transparence est de­ rendre des comptes, tant verticalement, c’est-à-dire aux citoyens, qu’horizontalement, c’est-à-dire aux autres institutions nationales (Hartlyn, 2002). Un besoin urgent de changer la culture politique se fait sentir en Amérique latine afin de connaître ce que la démocratie peut offrir aux sociétés. Alors que certains parlent de phases de consolidation de la démocratie et même d’érosion de celle-ci, avec l’existence de contrevagues de dé-démocratisation, il convient de souligner que le processus de transition démo­cratique est rarement linéaire. Selon Hartlyn, il semble alors judicieux de parler de processus non linéaire de construction symbolique et institutionnelle de la ­démocratie (idem, p. 115). . Robert Dahl (1989, p. 221) définit le terme «polyarchie» par la présence de sept éléments: 1) des candidats élus; 2) des élections justes et libres; 3) un suffrage universel; 4) le droit d’entrer dans la course électorale; 5) la liberté d’expression; 6) des sources d’information alternatives; et 7) l’autonomie d’association. Une géographie de la démocratie en Am...